Une question d'actualité s'impose : s'il n'y a eu quasiment aucun débat électoral in Deutschland, que dit-on en France de cette élection du Bundestag, dimanche prochain ? Tout le monde avance certes des clichés sur l'Allemagne de Merkel et l'on ne manque pas, unanimement, de prédire sa réélection, mais peu de gens sont informés sur la vie réelle dans le pays, même la plupart des correspondants sur place font le minimum syndical : lire la presse et aller dans les endroits réputés branchés pour se faire une opinion. C'est comme ça qu'on formate celle des autres. Àux élections régionales de Bavière de ce dimanche, la CSU de Horst Seehofer, allié de la CDU de Mme Merkel, vient de remporter la majorité absolue des sièges au Landtag avec 47,7% des suffrages. On annonce cela comme une grande victoire et une preuve supplémentaire du succès attendu dimanche prochain. Or, la CSU a baissé par rapport à 2008 et elle est loin des 60% atteints naguère. D'ailleurs on oublie un peu vite les succès de la coalition SPD/Les Verts dans d'autres élections régionales récentes. Et avec quelque 3%, la FDP, partenaire libéral de la CDU/CSU au niveau national, n'a même pas réussi à entrer au parlement de Bavière.
Ceci étant, la récente interview du candidat SPD par le quotidien centre-gauche Süddeutsche Zeitung a contribué à discréditer un peu plus Peer Steinbrück, qui n'avait pas besoin de ça dans l'univers impitoyable de la personnalisation politique au détriment des idées et des programmes. Il s'agissait d'une interview ("Ne dites rien, maintenant") où l'on ne pouvait répondre que par gestes. La question était : "Peer les Pannes, Peer les Problèmes, Peerlusconi - question sobriquets sympas, vous n'avez pas de soucis à vous faire, non?". - Et la réponse de l'interviewé (ci-dessous) de s'étaler illico à la Une du journal avec le succès que l'on sait :
N'y aurait-il pas comme un malaise ?
Mme Merkel sera-t-elle bientôt intrônisée impératrice d'Allemagne voire même d'Europe ? - Et surtout : le pays, les gens d'outre-Rhin peuvent-ils se réduire à cette seule figure ?
A contrario : se pourrait-il qu'en France, on ne parle de l'Allemagne que pour dire autre chose - et donc en l'instrumentalisant - sans même prendre la peine de connaître ou de s'informer sur la situation réelle dans le pays ?
Et ce petit commentaire professionnel : La formule traduttore, traditore n'a jamais été plus vraie en considérant le boulot de certains traducteurs littéraires et adapteurs de post-synchro, chargés d'importer les textes allemands en France. - Ceci dit, les vrais coupables - et le mot n'est pas trop fort - ce sont leurs donneurs d'ordre avec la sélection totalement déréalisée qu'ils proposent ! - exception faite, bien sûr, d'Arte pour la majeure partie des bons programmes allemands diffusés en France. On déplore simplement que la réputation d'Arte soit trop "élitiste", mais vu les têtes de Derrick en face, on se demande bien si elle n'est pas un peu "usurpée".
APARTÉ
- Avec tout ça, il y en a qui n'auront jamais une autre image de l'Allemagne que celle qui est véhiculée par des films comme La 7e Compagnie, rediffusée ad nauseam. A leur adresse, je voudrais simplement remarquer qu'une certaine - je dis bien une certaine - France n'aurait pas eu besoin des bottes et des uniformes venus d'outre Rhin : Gobineau a publié son Essai sur l'inégalité des races humaines dès 1853/55 (!) et l'infâme revue Je suis partout paraît à partir de 1930 (jusqu'en 1944).
- Et puisque nous vivons dans un univers chiffré, je rappelle une fois encore ces résultats d'élections peu mentionnés et commentés :Présidentielles mars/avril 1932
Hindenburg 49,6% - A.H. 30,2% - Thälmann (KPD) 13,2%
.---- A.H. n'a donc jamais été élu, loin s'en faut ! Législatives juillet 1932
NSDAP 37,2% - SPD 21,6% - KPD 14,3% - Zentrum 12,4% - VP (3 partis nationalistes, ensemble) 10,3%
---- C'était là le meilleur résultat que le parti d'A.H. a pu obtenir lors d'élections "libres" (et néanmoins viciées par une crise économique sans précédent, en partie due - dès 1923 d'ailleurs - aux exigences imposées par Versailles et impossibles à satisfaire). Législatives novembre 1932
NSDAP 33,1% - SPD 20,4% - KPD 16,9% - Zentrum 11,9% - Les 3 VP 13,5%
---- C'est à la suite de ces législatives que le sénile Hindenburg (en accord avec le camp conservateur) a nommé A.H. à la chancellerie, alors que le parti nazi avait perdu 4 points en quelques mois, dépassé par une alliance virtuelle - certes impossible dans les faits - entre SPD et KPD. Pourtant la possibilité d'une telle alliance a pu être ressentie comme un danger par Hindenburg et al.Progression du NSDAP au niveau national
18,3% (1930) - 37,4% (7/1932) - 33,1% (11/1932) - 43,9% (3/1933)
- la prise de pouvoir ayant eu lieu le 30 janvier 1933Progression pour la ville de Berlin
12,8% (1930) - 24,6% (7/1932) - 22,5% (11/1932) - 31,3% (3/1933)
- Et, au vu de ces chiffres, la résistance allemande contre le fascisme ?Dès le début (entre janvier 1933 et 1934), les leaders des forces d'opposition ont été déportés, assassinés ou contraints à l'exil. - La presse et la radiodiffusion ont été mises au pas. - Contrairement à leur position d'occupants en France - maîtrisant mal la langue, ne connaissant pas bien le terrain et les gens - les nazis étaient "chez eux" en Allemagne : ils ont pu noyauter l'administration prussienne à tous les étages pour la soumettre totalement, placer des indicateurs, des mouchards partout, embrigader la jeunesse - les JH étaient de facto obligatoires ! - les enfants allant jusqu'à dénoncer les activités "suspectes" de leurs propres familles. - Et, comble de l'horreur, puisque toute l'Allemagne était identifiée à A.H., aucun mouvement de résistance ne pouvait compter sur un soutien de l'étranger. - Je crois que cette partie de l'Histoire mériterait que l'on s'y intéresse autrement qu'avec de gros clichés revanchards et un humour de bidet.
- D'ailleurs toute cette histoire a commencé dès 1914 avec la légende de la Fleur au Fusil, inventée de toutes pièces pour motiver les Poilus et les Casques à pointe de se lancer à corps perdus dans la première bataille industrielle de l'Histoire, à croupir quatre longues années durant dans des tranchées absurdes, à laisser leur vie pour une cause qui ne les concernait pas, déclenchée par l'assassinat d'un prince héritier dont personne n'avait rien à faire, à part deux empereurs séniles en fin de parcours, dont l'un fumant du haschisch dans son exil néerlandais proposait encore ses services à A.H.
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Commentaires
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Un long article sur Steinbrück, repéré aujourd'hui (18/9) sur le site de RFI. - Extrait significatif :
"Les conséquences de cette photo [ci-dessus] autorisée par l’intéressé sont donc encore incertaines. Ses chances de devenir chancelier restent en tout cas plus que minces. La coalition qu’il souhaite entre sociaux-démocrates et Verts, celle qui avait dirigé l’Allemagne entre 1998 et 2005 avec Gerhard Schröder, obtiendrait selon les sondages moins de 40% des voix. Et ces deux partis refusent toute alliance avec le parti de gauche Die Linke, jugé trop radical et insuffisamment fiable, notamment sur les questions de politique étrangère. - L’hypothèse d’une nouvelle grande coalition droite-gauche, comme entre 2005 et 2009, reste probable. Mais Peer Steinbrück a annoncé depuis longtemps qu’il ne serait pas à nouveau ministre d’une chancelière Merkel. Il pourrait en revanche diriger les négociations visant à la formation de ce gouvernement, pour mettre son poids dans la balance et obtenir un résultat aussi favorable que possible pour les sociaux-démocrates."
Lien sur l'article complet :
rfi.fr/europe/20130914-elections-allemagne-peer-steinbrueck-challenger-merkel-portrait
Écrit par : sk | 18 septembre 2013
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Dommage...on ne peut avoir l'esprit concentré sur tout en même temps.
Je souscris cependant entièrement à votre question inquiétante formulée ainsi : "Mme Merkel sera-t-elle bientôt intrônisée impératrice d'Allemagne voire même d'Europe ? - Et surtout : le pays, les gens d'outre-Rhin peuvent-ils se réduire à cette seule figure ?"
J'ai suivi plusieurs interviews de travailleurs hyper intérimaires dans cette Allemagne qui arbore un taux de chômage sans concurrence dans l'Europe du Nord. Souvent pour moins de 500 euros par mois. Succès auprès de jeunes couples dont l'épouse se satisfait d'un de ses mini-emploi...Mais tant que le couple tient. Cependant que révèlent les statistiques allemandes à propos des divorces ?
Voilà. Maintenant, pour de vrai, je prends congé de la blogosphère pour un certain temps.
Écrit par : plumeplume | 20 septembre 2014
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