Les fascistes, il y en a de tous bords, dans toutes les directions du vent : ce sont souvent des gens sympathiques, des gens ordinaires, des gens bien de chez nous.
- Mais nous, c'est qui ? Chez nous c'est où ?
C'est un petit bonhomme avec une méchante valise qui pose la question. Ses traits sont tirés, son costume défraîchi. Puis, d'un étui antique, il sort un violon et commence à jouer...
Qu'est-ce qu'un fasciste ? - L'Europe en a connu de toutes sortes : des petits, des grands, des jeunes, des vieux, des travailleurs, des oisifs, des riches, des pauvres. Il y en a eu dans tous les pays d'Europe, parfois un peu moins, parfois beaucoup plus.
- Mais dis, Monsieur, c'est quoi, un fasciste ?
C'est l'enfant qui insiste puisqu'il ne comprend pas ce mot.
Un fasciste, c'est un homme bien rangé, même si la réciproque n'est pas obligatoirement vraie. Il éduque ses enfants dans la foi et la morale, sa femme est toujours de son avis, il respecte l'autorité et la voie hiérarchique. Un fasciste passe beaucoup de temps dans les bureaux où il veille à ce que tout soit normal, à ce que rien ne sorte de l'ordinaire. Il veut que tout soit bien rangé, que chaque chose soit à sa place. Et le soir, il rejoint ses camarades à l'auberge, où une table lui est toujours réservée : il y parle politique, évoque la grandeur de la Nation, fustige ses ennemis, les civilisations inférieures, les apatrides, la vermine. Car, dit-il souvent, la patrie est en danger, et il donnerait surement son sang pour elle, si le devoir ne l'appelait pas à son poste dans l'administration pour veiller à ce que tout soit normal, à ce que rien ne sorte de l'ordinaire. Et puisqu'il faut bien quelqu'un pour tout organiser.
Photographies
- Scène du Kid de Charlie Chaplin (1921)
- Portrait d'un père de famille avec ses enfants par August Sander (prob. années 1910-1920)
- Auschwitz, rampe de sélection, 1944, extrait de la seule série de photos existante, prise à l'arrivée d'un convoi hongrois par les bourreaux à des fins de "documentation".
NB - Commentaires fermées ce 11 octobre 2013 sans qu'aucun message malveillant ou insultant me soit parvenu à ce jour. Merci à tous pour cette discussion respectueuse et constructive.
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Commentaires
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Hors sujet :
MAGNIFIQUE :
Je viens de prendre connaissance de ce diamant de 124 carats (1mn = 1 carat).
Grâce à vous j'ai l'image sur "Dust my broom" par HW, après E. James.
MERCI !
:-)
Écrit par : Pyroman | 16 septembre 2013
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Bonsoir SK
Malgré sa légèreté apparente, votre billet décrit bien l’image du fasciste. Permettez-moi d’en préciser les contours à ma façon.
Le fasciste, a une vision fantasmée de sa propre histoire quand il ne l’ignore pas complètement. Il est par tempérament déclinologue et il regrette le passé fantasmé tel qu’il le voit, et non tel qu’il est en réalité. Il se gargarise volontiers des vertus de l’Edit de Nantes mais jamais un mot sur sa révocation.
Il se croit patriote mais il est en réalité nationaliste. Il aime peut être son pays et sa culture quand il les connait et à fortiori, quand il ne les connait pas. Il déteste le pays et la culture des autres et nul besoin de les connaitre.
L’Autre reste l’Autre et chargé de tous les méfaits. Quand il va chez l’Autre, c’est pour le civiliser, car le fasciste a ses pudeurs et n’appelle pas toujours un chat un chat. Quand l’Autre n’apprécie pas cette proximité devenue vite promiscuité, la réponse est vite trouvée : nous sommes chez vous par la volonté de NOTRE peuple et nous n’en sortirons que par la force de VOS baïonnettes.
Il adore l’ordre mais pas n’importe lequel. L’ordre imposé par un Etat qui en a, l’ordre prêché dans l’évangile selon Saint-Benoît Mussolini : « « tout par l'État, rien hors de l'État, rien contre l'État ». Rien à voir avec Mai 68 et ses hordes de « « lopettes » » dans les rues. Donnez de l’artillerie et réglez-moi tout ça.
Il est en contradiction permanente avec lui-même mais il ne s’en rend pas compte. Il se dit démocrate mais il préfère les référendums aux décisions du Parlement puisque « « vox populi vox dei » ». Mais oui, mais oui, le fasciste possède aussi ses lettres et en fait bon usage.
Ne dites jamais à un fasciste qu’il l’est. Il lèvera les bras au ciel et souvent en toute sincérité. Quoi ? Moi fasciste ? A-t-on idée ? Quelle outrance !!
Mai oui mon cher fasciste. C’est comme la mauvaise haleine. Ça incommode tout le monde sauf le principal intéressé.
Écrit par : Leperse | 16 septembre 2013
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Lu Leperse et approuvé, tout comme votre note.
Écrit par : Pyroman | 16 septembre 2013
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Note et commentaires appréciés.
Je songe en vous lisant, SK, à un long chapitre d'un essai remarquable signé Christophe Dejours et intitulé "Souffrance en France, La banalité de l'injustice sociale" (1998). Un chapitre où son auteur se penche sur le cas psychologique d'Adolf Eichmann à la lumière, entre autres, de l'analyse audacieuse d'Hannah Arendt sur la banalité du mal.
Dejours avance la figure du normopathe (j'y ai consacré une note sur mon blog). Le normopathe est très proche du portrait que vous dressez du fasciste.
Merci à vous et aussi à Leperse.
Écrit par : plumeplume | 17 septembre 2013
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Thanks for passing by, folks !
J'ai écrit ce petit mot sans vraiment réfléchir - je m'attendais à des critiques, mais elles n'ont peut-être pas pris la peine de "verbaliser" ici..
A Pyroman :
Moi aussi, j'ai découvert ce film documentaire sur Mr Burnett aka Howling Wolf !
youtube.com/watch?v=QF7juOZRb48
A la TV ou, mieux, au ciné avec un bon son, ça vaudrait bien un pamphlet antifa !
Écrit par : sk | 17 septembre 2013
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Encore juste deux p'tites réflexions.
1) S'il y a une leçon que nous devons tirer de la période sinistre du fascisme européen, c'est que nous ne pouvons plus depuis nous appuyer sur notre haut niveau de civilisation pour nous croire protéger de la barbarie.
2) Puisque évidemment il serait ridicule de supposer que l'ensemble des citoyens allemands qui ont plébiscité Hitler étaient tous des fascistes, nous devons demeurés inquiets de nos propres zones sombres ou troubles. Qui peut se penser désormais droit, juste et non dangereusement influençable ? Qui peut se croire d'office immunisé contre n'importe quelle dérive ? Personne, je pense.
Écrit par : plumeplume | 17 septembre 2013
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Ad 2) On avait eu cette discussion ailleurs, elle doit être menée avec sérieux et rigueur :
Quelques résultats d'éléction :
Présidentielles mard/avril 32 : Hindenburg 49,6% - A.H. 30,2% - Thälmann (KPD) 13,2%
Législatives juillet 1932 : NSDAP 37,2% - SPD 21,6% - KPD 14,3% - Zentrum 12,4% - VP (3 partis nationalistes, ensemble) 10,3%
Législatives novembre 1932 : NSDAP 33,1% - SPD 20,4% - KPD 16,9% - Zentrum 11,9% - Les 3 VP 13,5%
Si ces chiffres ne parlent pas, je m'appelle Karl !
Écrit par : sk | 17 septembre 2013
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@sk,
J'ai lu avec attention votre typologie ayant pour ambition de définir le fasciste. Je la trouve à la fois effrayante parce qu'on pourrait supposer que les fascistes sont partout, et pouvant aussi être étendue à d'autres (totalitar)"ismes", au moins pour certaines caractéristiques, et encore, ce qui la rend du coup moins effrayante, quoique…
Votre première caractéristique (homme bien rangé) tombe d'elle-même. C'est d'ailleurs vous qui la réfutez en parlant de réciproque "pas obligatoirement vraie". En fait qu'est-ce qu'un homme rangé? Quelqu'un qui a un boulot stable, éventuellement une famille, une maison ou un appartement, qui mène une vie tranquille? (Le fonctionnaire étant l'archétype de tout cela). En fait ces choses auxquelles aspirent sans doute une majorité de gens. J'aurais tendance à croire (historiquement parlant) que les fascistes ont recruté aussi dans des milieux très différents, pas très stables justement, notamment pour construire leurs troupes de choc.
Seconde caractéristique : "Il éduque ses enfants dans la foi et la morale, sa femme est toujours de son avis". Vous nous parlez des islamistes?
Je mets la foi de côté, car ce ne me semble pas, toujours historiquement parlant, être une caractéristique dominante chez les fascistes. Quant à éduquer ses enfants dans la morale, personnellement je trouve que ce n'est pas mal, mieux que l'apologie du nihilisme (mais je suis peut-être atteint par le mal). Vous me direz que ça dépend de quelle morale. Certes. Mais je ne crois pas que les communistes aient échappé à cette caractéristique.
Je continue. "il respecte l'autorité et la voie hiérarchique." Ça aussi on pourrait s'en servir pour caractériser les communistes bien autant que les fascistes, avec des revirements parfois assez stupéfiants (attitude officielle, je précise, des communistes après le pacte germano-soviétique et après le 20 juin 41).
Ce qui suit (bureau, rangement…) je le traduis, mais vous me direz si je me trompe, par amour de l'ordre. Là-aussi c'est une caractéristique assez partagée. L'ordre est une référence utilisé par quasiment tous les politiques, de gauche, de droite ou du milieu. On peut y associer les qualificatifs de "juste" ou de "républicain" ou c qu'on veut, ça n'y change pas grand-chose. Parce que c'est une aspiration également bien partagée. Alors ensuite on peut se pencher sur la nature de l'ordre en question. Mais c'est aussi une autre question.
Ceci dit on pourra remarquer que les fascistes, mais aussi les communistes, s'ils aiment l'ordre, leur ordre, n'hésitent pas à donner dans le désordre pour atteindre leurs fins.
Pour le coup de l'auberge, j'imagine que ce sont les "Stammtische" allemands qui vous ont inspirés. Les fascistes diraient donc du mal des autres dans les auberges. Comme les autres, au bistrot ou ailleurs, le terme de vermine par exemple même s'il ne s'applique pas aux mêmes étant aussi partagé. Je retiens la référence à la nation quand même qui peut sembler une différence par exemple par rapport au communisme, quoique pour les besoins de la cause, la nation et le nationalisme ont su être mobilisés par les dirigeants communistes. Par ailleurs réserver la nation aux fascistes risque de vous attirer des ennuis. J'ai, il ya quelque temps, au sujet de la repentance, mis en cause l'amour de leur pays de ceux qui s'y complaisent. J'ai reçu une telle volée de bois vert que je me dis qu'à gauche la nation ça compte aussi. D'ailleurs originellement n'est-ce pas un concept de gauche?
Quant au final avec la patrie en danger qu'on aimerait bien défendre en première ligne, mais qu'on se contentera de défendre de l'arrière, ça m'a amusé. Vous savez où je vis. Et je dois quand même dire que j'aurais volontiers attribué cette caractéristique aux communistes. On n'a guère vu en effet pendant la seconde guerre mondiale de tchékistes échanger leur casquette à liseré bleu contre des casques de combattant. Les goulags ne manquaient pas de gardiens et la Loubianka de commissaires instructeurs qui étaient d'ailleurs particulièrement actifs pendant cette période, au moins pour justifier leur position, et qui ne demandaient pas particulièrement à relever les combattants qu'ils envoyaient dans l'archipel. Il fallait bien veiller à ce que l'ordre continue à régner.
Voilà! Désolé de ne pas partager l'enthousiasme des autres commentateurs pour votre note dont je me suis demandé, excusez-moi encore, les motifs. J'espère que vous ne décelez pas un danger fasciste en France ou en Europe. Pas davantage que moi-même ne voit un danger communiste. Tant mieux d'ailleurs car le premier va souvent avec l'autre, du moins en réaction au second.
Écrit par : Vlad | 17 septembre 2013
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Comme je le disais plus haut, je vous attendais (vous collectif). Bonjour d'abord, et je ne voulais certainement pas vous effrayer (vous Vlad). Je trouve vos textes et votre commentaire ci-dessus d'une pertinence certaine. Je n'oserais donc pas me mesurer à vous à cette heure de la soirée, peut-être plus tard, surement dans un autre billet. Toujours au plaisir de vous lire, Mr. Vlad !
Écrit par : sk | 17 septembre 2013
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(18/9 - 7:30) Voici donc mes réponses à quelques-unes de vos objections, M. Vlad.
Ce petit texte illustré est une tentative d'écriture avec tout ce que ce mot d'écriture implique en français. J'endosse donc le rôle de l' "auteur", pas très bon sans doute, mais auteur tout de même. En m'interprétant moi-même je reconnaitrais que je n'ai pas su faire passer dans le texte même ce que j'ai voulu y mettre. Dés lors, je devrais en effet laisser ça aux critiques et d'ailleurs vous vous en acquittez fort bien.
1) "Votre première caractéristique (homme bien rangé) tombe d'elle-même"
- Avec votre subtilité, vous avez relevé le seul passage que j'ai changé. - J'avais écrit : "Un fasciste, c'est un homme bien rangé", et, ne voulant pas faire de tort à TOUS les hommes bien rangés, j'ai rajoué à leur intention : "même si la réciproque n'est pas obligatoirement vraie". - Du coup, ce n'est pas d'elle-même mais par égards pour CERTAINS hommes bien rangés que la "caractéristique tombe".
2) "Il éduque ses enfants dans la foi et la morale, sa femme est toujours de son avis". A quoi vous, Vlad, rajoutez : "Vous nous parlez des islamistes?"
- Désolé de vous prendre pour l'écolier que vous n'êtes pas, mais vous êtes sur la bonne voie, Vlad !
3) "il respecte l'autorité et la voie hiérarchique." Ça aussi on pourrait s'en servir pour caractériser les communistes bien autant que les fascistes...
- Et là vous avez tout compris (sans aucune ironie de ma part) !
4) "Ceci dit on pourra remarquer que les fascistes, mais aussi les communistes, s'ils aiment l'ordre, leur ordre, n'hésitent pas à donner dans le désordre pour atteindre leurs fins."
- Je souscris entiérement !
5) Pour le coup de l'auberge, j'imagine que ce sont les "Stammtische" allemands qui vous ont inspirés.
- Richtig !
6) Pour la question de la Nation, et vous le savez, le cadre est bien trop étroit, entre deux commentaires, pour en discuter sérieusement, faites un billet et j'interviendrai surement (je peux également importer ici un travail fait ailleurs). Comme vous le signalez, le concept ou plutôt l'idée a connu certaines "mutations"...
7) Quant au final avec la patrie en danger qu'on aimerait bien défendre en première ligne, mais qu'on se contentera de défendre de l'arrière, ça m'a amusé.
- Ils étaient où les "organisateurs du bordel" quand ça bardait au front et chez les civils ?
Voilà pour quelques-unes de vos objections, Vlad, réponses succinctes certes, mais réponses...
Or, vous n'avez pas relevé le titre qui vous donne l'adresse et donc le "motif" que vous sembliez chercher.
Et la première phrase devrait vous montrer que je râtisse large, très large :
Les fascistes, il y en a de tous bords, dans toutes les directions du vent...
En fait, si vous ne commentez que le dernier passage, cela devait vous échapper.
Les images, aussi, sont essentielles, j'ai longtemps hésité avant de mettre la dernière !
Bonne journée à tous.
Écrit par : sk | 18 septembre 2013
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Merci pour votre réponse, sk,
Mon propos davantage qu'une critique qui ne saurait être considérée comme telle puisque bien des choses mériteraient d'être développées pour que ces quelques objections méritent ce qualificatif,
Je voulais simplement souligner que beaucoup de "ismes" travaillent sur le même mode. Vassili Grossman, par exemple, dans "Vie et destin" a fort bien démontré les proximités entre le nazisme et le communiste sous Staline. Je mets "sous Staline" pour éventuellement ouvrir, mais je m'en serais volontiers abstenu. Comme vous le voyez, mais j'imagine que vous le sentiez déjà je n'ai aucune tendresse pour le communisme que ne vaut à mes yeux pas mieux que le fascisme. Dans un certain sens il est peut-être pire car s'appuyant sur quasiment un message christique qui lui a permis de ne pas être mis au ban de l'humanité (sans mauvais jeu de mots) et lui permet de s'exprimer encore ouvertement.
Quant à mon interrogation sur le thème choisi, elle est la conséquence d'une observation ou de l'observation d'une reprise généralisée d'une technique qui fut très employée chez les communistes de discréditer son contradicteur en le traitant de fasciste. Quand il s'agit d'un dialogue ou d'une tentative de dialogue, le temps passé à l'accusé de l'infamie de se disculper n'est pas utilisé à déployer de vrais arguments sur le sujet traité. Mais quand la technique est déployée à l'échelle d'une société, quand ce qui ne pense "pas bien" aux yeux des "forces de progrès" (pardonnez-moi pour ces caricatures mais je manque de temps pour développer) devient fasciste, c'est un retournement d'attitude auquel on assiste. c'est celui qui le dit qui y est pour reprendre une expression enfantine. Reste que ça marche ou que ça a marché pendant longtemps. Car les choses changent et évidemment dans un sens plutôt radical qui peut sans doute alerter les âmes sensibles sur un danger fasciste mais qui, en France* du moins, me parait être un cri de beaucoup pour que les politiques s'occupent enfin des problèmes dont ils ont refusé de s'occuper pour cause d'une vision idéologisée laquelle a gangréné toute la classe politique (à cause d la peur d'être traité de fasciste) sauf ce qu'on appelle l'extrême-droite qui ne propose pas de solution sérieuse aux problèmes mais a cet avantage de les nommer.
Votre sujet donc m'intéresse mais c'est l'angle d'attaque qui n'est peut-être pas le même.
*J'ecris en France car si je ne m'étonne pas d'une extrême-droite forte en Autriche ou d'un CSU aussi fort en Bavière (j'ai connu l'époque de FJ Strauss), je ne vois aucun danger fasciste en France.
Bonne journée à vous.
Écrit par : Vlad | 18 septembre 2013
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C’est en effet une note d’écriture que j’ai lue dont les photographies choisies font partie intégrante. C’est un enfant qui demande : c’est quoi un fasciste ?
La réponse suggère en quelque sorte que c’est un homme ordinaire, avec un goût prononcé pour l’ordre en tout. C’est pour cela que j’avais évoqué la figure de « normopathe », créée et décrite par Christophe Dejours, sur base de l’étude que Hannah Arendt à propos d’Eichmann lors de son procès à Jérusalem. On s’attendait à découvrir un monstre, et la philosophe juive allemande le saisit comme un homme banal, ordinaire.
Il ne m’apparaît pas que l’intention de ce texte était de définir ce que serait l'essence d'un fasciste (les questions en « qu’est-ce que ? » se cassent inévitablement la « gueule » !). Mais peut-être d’inquiéter, de ne pas laisser tout à fait tranquille la femme et l’homme contemporains. C’est du moins ce que j’ai éprouvé en le lisant.
Autre chose : En logique, on dirait que si tout l’ensemble A est compris dans l’ensemble B, cela ne suppose nullement que toutes les identités qui peuvent s’inscrire dans l’ensemble B font partie automatiquement de A.
Tous les hommes sont mortels, les plantes aussi sont mortelles mais cela n’implique pas que tous les hommes sont des plantes, ni que les plantes soient des hommes !
Écrit par : plumeplume | 18 septembre 2013
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Bonjour aux commentateurs et à l'auteur,
J'ai entendu d'un intervenant sur une radio, et pour faire court, que le communisme, son idéologie, était devenu une religion, et que l'islamisme était devenu une idéologie.
Pour le fascisme, Vlad l'a défini en partie par ce qu'il n'était pas forcément. Il serait intéressant de le lire pour mieux connaître sa conception du fascisme.
Un peu comme lorsqu'on aimerait bien que les "bons" musulmans nous rappellent explicitement qu'ils se démarquent totalement des excès islamistes, on attendrait que la "bonne" droite se démarque des excès des fascistes et/ou fascistes potentiels.
A+
Écrit par : Pyroman | 18 septembre 2013
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Bonjour Pyroman,
"Un peu comme lorsqu'on aimerait bien que les "bons" musulmans nous rappellent explicitement qu'ils se démarquent totalement des excès islamistes,..."
Le fait même d'être "modérés" malgré les dangers que cela représente n'est-il pas une façon de se démarquer. N'oublions pas que les musulmans dits "modérés" ne sont pas obligatoirement politisés et donc peu apte à prendre la parole.
En Algérie, il y a toute une jeunesse qui s'oppose aux intégristes comme elle peut,y compris par des conduites autodestructrices puisque certains s'alcoolisent ouvertement, de façon provocante, pour braver les interdits religieux. Qui le sait, ici? Qui en parle?
Et il y a ces petites phrases que l'on entend lorsqu'on les fréquente; par exemple, après un acte terroriste " l'Islam, ce n'est pas ça" , "ceux qui font ça, sont des fous qui nous portent tort"
Voir aussi:
ecrivainsmaghrebins.blogspot.fr/2013/09/mohammed-arkoun-islam-et-terrorisme.html
lavoixdunord.fr/France_Monde/actualite/Secteur_France_Monde/2011/01/15/article_l-islam-n-a-rien-a-voir-avec-ces-fanati.shtml
lequotidien.re/opinion/le-courrier-des-lecteurs/200734-musulmans-moderes-et-radicaux-quelques-verites.html
Écrit par : aquatinte | 18 septembre 2013
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J'apprécie l'intervention d'Aquatinte. Elle comme nous, nous savons qu'on parle rarement des trains qui arrivent à l'heure, et de nos voisisns qui ne font jamais parler d'eux... quelle que soit leur... religion ou leur origine familiale (et géographique plus ou moins lointaine).
Écrit par : caquedrole | 18 septembre 2013
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@Pyroman
mon propos n'était tant de dire ce qu'il n'était pas forcément mais de montrer que ce qu'il pouvait être ne s'applique pas qu'à lui mais aux autres totalitarismes.
Je reprends ce qu j'ai écrit au-dessus. La démonstration de Vassili Grossman est éloquente quant à la proximité du nazisme et du communisme dans leur application respective. Les finalités officielles diffèrent pourtant ils sont semblables et bien au-delà des méthodes.
J'écrirais peut-être à ce sujet mais plus tard car en ce moment je ne suis pas en ville, à proximité de ma bibliothèque d'où je pourrais tirer quelques éléments plus parlants.
Quand vous parlez de la "démarcation" d'une bonne droite d'une droite extrême vous abordez un point intéressant et même essentiel qui a, c'est mon avis, biaisé la vie politique française, et à dessein (bravo Tonton) depuis des décennies et qui explique ce qu'on nomme une radicalisation des esprits aujourd'hui. C'est justement parce que la droite a voulu par souci de respectabilité trop se démarquer du FN qu'elle a abandonné les thématiques, du moins certaines, dont ce parti s'est emparé.Le FN occupe un terrain laissé vacant par les autres et ce terrain est fertilisé par les préoccupations d'une part importante et sans doute grandissante des Français, et pas forcément , les mieux lotis. Les transferts de masse de la gauche (même le front de gauche n'est pas un parti des classes populaires) vers le FN en est une conséquence. Les divergences qui existent à droite, peut-être pour des raisons de fond, mais sans doute surtout pour des raisons électoralistes en sont d'autres.
Ce qu'on appelle la droitisation, mais qui n'a que peu à voir avec des thèmes économiques, est à mon sens l'expression d'une colère contre les partis traditionnels qui ne répondent pas, ou qui ne répondent plus, à leurs préoccupations.
Écrit par : Vlad | 18 septembre 2013
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Les mots en -isme sont en effet souvent de dangereuses abstractions. Et c’est évident, notre époque gravement troublée, use et abuse des mots en –isme. On ne peut banaliser une expression comme « fasciste » ni, en homme dit de gauche, la balancer à la figure de n’importe quel opposant de droite ; c’est en effet stupide. De même, c’est grave de traiter d’antisémite, celui ou celle qui en fait s’autorise la critique de la politique colonialiste des derniers gouvernements israéliens.
Il n’y a pas eu un seul et unique communisme. Il y a eu seulement historiquement des communismes. Il y a des différences phénoménales entre le communisme d’état en URSS ou en Chine, et des partis communistes européens qui jouaient un rôle avant tout d’opposition et de défense des classes laborieuses dans un régime démocratique.
Il faut rappeler que sous le vocable de « judéo-bolchévisme », de très nombreux intellectuels et militants juifs de gauche auront été traqués, déportés, assassinés grâce à une idéologie anti-communiste de bon aloi principalement, avant que d’être consciemment fascisante. Il me semble aussi que, aujourd’hui que le mur de Berlin est tombé et que la mouvance politique communiste européenne est réduite à peau de chagrin, on oublie un peu vite que de nombreux « camarades » ont payé de leur vie la lutte contre le fascisme, et le nazisme en particulier.
Je ne souscris pas à l’assertion de Vlad qui considère que le communisme (européen) était plus dangereux et a provoqué le fascisme. Il faudrait ici une analyse pointue pour contrer sérieusement un tel point de vue. Je le ferai peut-être mais dans une longue note chez moi.
Il n’empêche que de très nombreux communistes belges par exemple ont été internés dans l’enfer du camp de Breendonk en Belgique et dans les autres camps de la Pologne, et ont payé le prix le plus lourd, à savoir le sacrifice de leur vie, parce qu’ils combattaient l’idéologie fasciste, et sa version dominante, le nazisme.
Aujourd’hui, en peu de façon similaire et dans une paresse intellectuelle qui pourrait à terme devenir dangereuse, on se plaît à parler d’islamisme sans d’indispensables différenciations. Que l’homme ordinaire ne saisisse pas les nuances, soit ; mais que l’intellectuel ordinaire fasse comme s’il les ignorait, c’est inquiétant.
Ah ! Cet homme ordinaire que nous incarnons, tous et toutes…
P.S. Je n’ai jamais été ni jamais voulu être une « camarade ».
Écrit par : plumeplume | 18 septembre 2013
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Bonjour SK,
Autant vous avouer qu’au départ, lorsque j’ai vu votre note au track, je l’ai parcourue, plus que lue, et suis passé à autre chose (tout en me disant que l’illustration en était bien faite).
J’y suis repassé ; me posant à moi-même la question « mais, de fait, qu’est-ce qu’un fasciste ? »
Et j’y reviens. Ne serait-ce que parce que le souvenir de ma mère s’impose à moi et me rappelle que je me suis posé jadis la question (qui peut ici, comme ça, brut de coffrage, sembler incongrue) « en quoi ma mère est-elle fasciste ? »
Il se trouve que cette femme très pieuse, animatrice de mouvement d’action catholique, mais femme de tête et femme d’ordre (il l’a bien fallu dans la période de l’immédiat après-guerre), nous écoutant mon père et moi échanger, voire nous alpaguer, sur la gauche, la droite, l’affairisme, Rocard, Badinter… nous assenait au bout d’un moment « De toute façon, moi, je suis fasciste ! », ce que mon père réfutait en lui rappelant « Mais enfin Denise, vous n’avez jamais voté pour l’extrême-droite… »
Ma mère avait, dans les années trente bossé en Tchécoslovaquie (gouvernante dans une famille), en Italie et à Cambridge, dans quel ordre ? je ne m’en souviens plus. A Cambridge (UK) elle a été répétitrice de français, en Italie, sa deuxième langue étrangère, elle a été préceptrice chez des aristocrates de la nomenklatura fasciste.
Souvenez-vous que, comme pour l’Allemagne, le XXème siècle a été pour l’Italie celui de la véritable émergence d’un État central et d’un pays ayant un drapeau, une seule langue officielle et une armée… Ma mère a retenu de ce qu’elle a vécu en Italie que le progrès (technologique, hygiène, santé, communications, etc) était avant tout lié à l’acceptation d’un pouvoir autoritaire, au risque d’un certain culte du chef, et à l’allégeance à ce dernier de toutes les superstructures de l’État.
Partant, ma mère était pour un État fort, mais revendiquant sa culture chrétienne, pour le respect d’un certain nombre de valeurs dont le patriotisme, pour le respect des hiérarchies, pour la structure familiale unie, base de toute organisation sociale, en même temps qu’elle revendiquait un certain égalitarisme homme-femme dont elle avait vu l’émergence chez Mussolini. Analysé comme tels, ces points n’ont rien de particulièrement "fascistes", mais l’ensemble pour elle avait été vécu à travers le fascisme italien et retenu de façon positive.
Néanmoins, je dois avouer qu’il m’est arrivé de "contrer " ma mère lorsqu’elle extrapolait à l’Espagne de Franco, passant évidemment sous silence la trahison, le coup d’État et la guerre d’Espagne pour ne s’arrêter qu’à l’irrigation des grandes plaines agricoles ou à l’urbanisme "moderne" de certaines métropoles…
Femme d’autorité, qui a su quand il le fallait être autoritaire, ma mère se disait donc… fasciste.
Au regard de votre description qui peut convenir à bien d’autres qu’à des fascistes, y compris dans des sociétés soumises à un pouvoir autoritaire et à "la norme" (quelle qu’elle soit), j’ai trouvé l’intervention de Leperse assez pertinente, et même plutôt pertinente.
Là-dessus, intervient Vlad. Lequel tique sur le mot "foi" (en lui gardant, je pense, son acception religieuse, je dirais même transcendantale). Mais ce peut être la foi en la vision du chef…
Au sujet de l’ "ordre", Vlad note avec justesse que les fascistes ne craignent pas le désordre pour arriver à leurs fins. C’est vrai… mais installer un ordre nouveau (expression sans référence aucune de ma part) suppose toujours soit de profiter d’un grand désordre (par exemple émeutier, ou révolutionnaire), soit d’en être les promoteurs, quitte à souhaiter provoquer un réflexe populaire de peur (du désordre). Mais, ensuite… c’est l’ordre qui règne.
Vlad ne peut s’empêcher de comparer avec un autre type de régime autoritaire, celui du ...euh… " socialisme accompli" avec le Parti unique, avant-garde du prolétariat, le communisme. Et je pense qu’il est bien placé pour se permettre cette comparaison.
Néanmoins, pour moi, il y a une donnée qui différencie ces deux types de pouvoirs et de sociétés.
Le communisme se veut, du moins s’est voulu (car ce qu’il en reste, hein ? entre le PC chinois et son hyper-capitalisme sous contrôle de l’État, le dictateur nord-coréen ou encore ce qui reste du castrisme…) prolétarien et internationaliste. Avec un mépris affiché, dans le cas de l’URSS, des paysans (héritiers des traditions féodales liées au tsarisme et –par principe- suspects d’être plus ou moins contre-révolutionnaires).
Alors que le fascisme très souvent s’abrite derrière le conservatisme des populations rurales, et leurs traditions. Pas d’internationalisme (sauf… conquérant et asservissant comme avec le nazisme du IIIème Reich) mais le repli culturel plutôt nationaliste.
Dans sa conclusion, Vlad se montre déçu ou, du moins, dans l’incompréhension d’un certain " enthousisme" manifesté par vos commentateurs. Je comprends son cheminement mais vois cela autrement. Car vous proposez un sujet de discussion. Ce n’est pas la grande dissertation, mais, après tout ce sujet en vaut tant d’autres (en particulier certaines préoccupations itératives et prégnantes sur la blogo que nous fréquentons) et vous permet de faire exprimer des blogueurs en dehors de toute tentation d’agressivité vis-à-vis de l’Autre, vis-à-vis de celle ou celui qui ne partage pas vos (ou telles) idées. Sur une blogo où les affrontements sont fréquents et se substituent au débat d’idées, c’est tout de même un bon plan !
Mais, après que vous lui ayez répondu, Vlad (re)crédibilise le sujet en manifestant son intérêt, mais " sous un autre angle d’attaque". Et là vont intervenir Plumeplume, puis Pyroman. Car, en filigrane, on en est à se poser la question du fascisme en France, ou du fasciste en France, du fasciste parmi nous.
En France ? En Europe ? Car les ingrédients qui, par le passé, ont permis à des pouvoirs forts et nationalistes de se mettre en place en même temps que les peuples "nationaux" acceptaient, voire recherchaient, des boucs émissaires "étrangers" (substitution du droit du sang au droit du sol, redéfinition de l’identité nationale et de la citoyenneté de plein droit et plein exercice… en attendant pire) sont réunis : déviation de l’économie vers une prévarication financière, paupérisation d’une part notable des populations, défiance à l’égard du personnel politique, méfiance et même conservatisme vis-à-vis du progrès scientifique, déplacement des zones d’échanges et d’influence vers d’autres parties de la planète Terre, inexistence politique et sociale de « l’Europe » alors même que cette dernière a raflé une partie des compétences des États-membres et impose des contraintes réglementaires parfois sidérantes… ces ingrédients sont là et, déjà, et même en France, certains ont fait joujou avec.
Bref, j’arrête là mon long, très long, commentaire. Sur le dernier paragraphe, il entre en quasi contradiction avec la dernière intervention de Vlad ; du moins il refuse de minimiser certain danger, certain risque, et voit plus que de la protestation dans le « cri » qu’il (Vlad) définit.
Écrit par : caquedrole | 18 septembre 2013
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Merci pour cette histoire, M. Caquedrole, et ce témoignage de votre sincérité !
Écrit par : sk | 18 septembre 2013
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Pardon à sk de m'être éloignée du sujet.
Écrit par : aquatinte | 18 septembre 2013
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Qu'est-il donc arrivée á votre "De plus en plus deçue par..." ?
Voulez-vous qu'on reprenne ici :
discutons.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/09/12/2-la-blogosphere-de-l-obs.html
Écrit par : sk | 18 septembre 2013
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@ Vlad,
D'accord avec vous sur la partie de votre commentaire concernant les systèmes totalitaires, généralement structurés par un parti unique et l'entretien d'un nationalisme exacerbé pour satisfaire les esprits économes de remise en question, ou dépourvus des moyens d'y accéder pour toutes sortes de raisons.
En revanche, je ne vous suivrai pas totalement sur la "droitisation, qui n'a que peu à voir avec des thèmes économiques..." Vous-même, nuancez votre jugement sur cette question, puisque vous n'avez pas retenu qu'elle n'avait "rien" à voir. Pour moi, l'économie et ses turbulences (je vais faire une impasse prudente sur ses interactions avec la démographie, sinon bonjour les développements !) restent le nerf de la guerre et sa cause, à l'extérieur comme à l'intérieur de nos frontières. Colonisations, décolonisations, prises de contrôle, etc. L'économie explique la puissance des USA et celle en pleine progression de la Chine (déjà cinq cents millions de Chinois qui ont un niveau de vie analogue à celui des Européens, dit-on). Les deux ont des systèmes politiques et des fabriques d'élites qui n'avaient aucun points communs. Pourtant, aujourd'hui, les conditions de reproduction et de pérennisation de ces systèmes tendent vers une convergence des méthodes employées.
Bien sûr, tout cela est très complexe et ne peut être réduit à quelques lignes. Au-delà de la droitisation, d'autres enjeux et conséquences sont en devenir, et ces forces ne datent pas d'hier. La France, l'Europe et le reste du monde... la partie de Monopoly est éternelle et avec elle, ses jeux d'alliances.
Écrit par : Pyroman | 18 septembre 2013
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Je suis à la fois d'accord avec vous et en opposition.
Je ne nie pas le rôle de l'économie dans les grands mouvements mondiaux. Je ne nie pas l'impact de la mondialisation qui a des fondements économiques sur la vie de chacun d'entre nous. Ce serait en effet idiot de balayer le rôle de l'économie. Le FN d'ailleurs ne le fait pas et donne dans des propositions, après un virage à 180°, que ne renieraient pas une certaine gauche, bien à gauche. La sortie de l'euro par exemple qui peut être un point commun entre des gens de gauche et des souverainistes de droite. A cet égard on a du mal à définir la droite et la gauche sur des politiques économiques, celle du PS ou de l'UMP par exemple étant suffisamment proches, parce qu'inféodées au FMI ou à Bruxelles, pour que le clivage gauche-droite ne se distingue pas à ce niveau.
Et c'est à partir de là que je vais m'éloigner de vous. Car il me semble que beaucoup de gens ont compris que l'influence des politiques sur l'économie est tout à fait marginale et que les grandes décisions se prennent ailleurs. La façade ce sont ces grand-messes comme le G20, la réalité des décisions prises dans l'ombre par des gens certainement pas élus et se servant du paravent qu'offrent les politiques pour imposer leurs volontés. Ces gens-là seraient assez puissant pour contrer ceux qui auraient ds idées d'émancipation. Ceci pour dire que l'impression partagée par beaucoup est que l'économie est certes importante mais que l'impuissance des Etats et de ceux qui les dirigent dans ce domaine nous réduit à l'état de spectateurs impuissants. En ceci le communisme, du moins le bloc communiste avait une importance car offrant un modèle alternatif, bien que pourri, il incitait à une certaine modération de la part des grands manœuvriers.
Partant de là, c'est donc sur d'autres sujets, où l'Etat a encore de l'influence que va se concentrer l'attention de beaucoup.
Et en l'occurrence, ce qui fait la force du FN, ce qui explique sa montée en puissance, c'est la prise en compte de thématiques laissées en jachère par les autres au nom du politiquement correct ou au nom d'une vision politique affirmée. En vrac, la sécurité, l'immigration, l'identité (ce qu'un courant de gauche traduit très pertinemment par sentiment d'insécurité culturelle), la laïcité,..., sont des sujets qu'on n'aborde que très rarement sur le fond ou sans les enrober de fioritures (ou de mensonges) qui leur ôtent toute consistance. Le FN s'est engouffré dans la brèche et attirera de plus en plus de gens tant que les vrais débats ne seront pas posés. Ce n'est pas la pertinence des réponses que ce parti apporte, souvent peu crédibles d'ailleurs, qui lui attire les faveurs d'un nombre croissant de Français, c'est simplement le fait qu'il en parle, qu'il donne l'impression, peut-être l'illusion, je ne sais pas, qu'il se penche sur leurs préoccupations. Et là l'économie ne joue plus aucun rôle.
Juste pour illustrer mon propos : en 2007 Sarkozy siphonne les voix du FN, le mettant dans de telles difficultés financières à cause de législatives désastreuses que la survie financière du parti est menacée. Pourquoi? Parce qu'il tient un discours ferme qui choque peut-être à gauche mais qui attire vers lui des électeurs qui ne voyaient que le FN porter leurs préoccupations. En 2012, le FN se porte à nouveau bien. Pourquoi? Parce que les discours de Sarkozy n'ont pas été suivis d'effets. Ce n'est pas sa campagne droitière qui l'a fait perdre, au contraire elle l'a fait remonter à un niveau inattendu, c'est le fait que son action dans les domaines précités n'a pas été en phase avec ses discours.
Écrit par : Vlad | 19 septembre 2013
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Il est 18h16, je viens de prendre connaissance des interventions de plumeplume, Aquatinte, Caquedrole ... Et je dois néanmoins partir. Soyez certain(e)s que je reviendrai vous lire et commenter (si je peux).
Écrit par : Pyroman | 18 septembre 2013
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Juste un petit plus, un désagréable bonus. Les insignes ou les signes du fascismes peuvent circuler quasi "innocemment" et sont dans notre quotidien :
liberation.fr/societe/2013/09/12/les-quenelles-de-dieudonne-laissent-un-sale-gout_931523
Écrit par : caquedrole | 18 septembre 2013
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@sk,
Merci pour la réintégration de mon commentaire.
@plumeplume
D'accord avec vous sur le fait que le communisme a connu ou connait des variantes. Et même des évolutions spectaculaires si on considère la Chine et qui remettent en cause le dogme. Mais dans tous les cas, en URSS, en Chine, en Corée, à Cuba, au Cambodge, et ailleurs c'est toujours le même processus qui se déroule de dictature, de répression des opposants, de purges internes au parti, de culte de la personnalité, etc. Choses que vous retrouvez dans les régimes fascistes également, mais, au risque de choquer, avec sans doute moins d'acharnement sur sa propre population. On ne retrouve ni chez les fascistes, ni chez les nazis par exemple des exterminations délibérées de masse par la famine (Ukraine), des purges thématiques (un coup les ingénieurs, un coup les paysans, un coup les "Polonais", un coup les "Allemands", "un coup "les Juifs" – les nationalités de l'Urss- …). Au risque encore de choquer, la terreur chez les uns a un fondement rationnel (victimes choisies en fonction de critères explicites), tandis que chez les autres elle est érigée en principe et peu en importent les victimes. A ce niveau on peu sans doute faire une différence entre deux totalitarismes.
S'agissant de la participation des communistes à la lutte contre le nazisme, elle est indéniable. Ils s'en sont d'ailleurs très bien servi pour gagner en popularité et en prestige après la guerre, devenant le premier parti de France, mais en oubliant au passage la position plus qu'ambigüe des instances dirigeantes (désertion de Thorez par exemple) entre la signature du pacte germano-soviétique et l'attaque de la Russie par l'Allemagne. Sur cette période et l'attitude des uns et des autres, je veux dire des gens de deux bords opposés, les conduites individuelles ont été telles qu'on ne peut guère attribuer autoritairement à une mouvance le qualificatif de collaborationniste et à l'autre celui de résistant. La nuance est peut-être dans le fait que certains se battaient contre l'Allemagne et les autres contre le nazisme.
S'agissant du lien entre le nazisme/fascisme avec une possible prise de pouvoir par les communistes, c'est quelque chose qui me parait très clair dans les deux premiers pays concernés. Le risque de révolution communiste en Allemagne a été réel dès la fin de la guerre (réprimé par les socialistes d'ailleurs) et a toujours été très fort. Et en Italie dans le début des années 20, le fascisme (du moins son succès) est typiquement un mouvement de réaction à un communisme en voie de triompher. En Espagne les choses sont plus floues, mais l'image du front populaire à droite l'est moins. Au passage on pourra s'interroger sur cette guerre à laquelle je pense beaucoup quand on n'évoque la Syrie puisqu'elle se permet une guerre civile au sein de la guerre civile. A cet égard on peut s'interroger sur la responsabilité des communistes dans l'issue de cette guerre.
Je répondrai à Caque et Pyroman demain sans doute, décalage horaire obligeant.
Écrit par : Vlad | 18 septembre 2013
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à la modération, lisez attentivement mon commentaire, il n'y a rien, strictement rien d'insultant dans celui-ci. Merci donc de le publier enfin.
Merci Vlad pour votre réponse.
Pour que mon intervention soit claire, je précise d’abord que je considère le communisme stalinien tout particulièrement comme un système totalitaire, et sur ce point il a déployé bien des points de ressemblance avec cet autre totalitarisme qu’a été le régime nazi.
Je ne peux m’empêcher de penser à cette femme extraordinaire, Margarete Buber-Neumann, qui en tant que juive et communiste allemande, a fui le nazisme et s’est réfugiée à Moscou d’où elle fut rapidement déportée en Sibérie et livrée en 1940 à la Gestapo par Staline ; gestapo qui s’est empressée de l’envoyer dans l’enfer de Ravensbrück où elle survécut jusqu’à la libération du camp en 1945.
Ce dont je ne suis absolument pas convaincue, c’est que ce serait la menace communiste qui serait à l’origine du fascisme ou du nazisme en tant qu’idéologies propres. De son succès populaire peut-être certes, avec l’appui des Eglises, dans les années d’avant-guerre.
Succès par exemple en Belgique du mouvement Rex de Léon Degrelle qui surfait sur cette peur-même ; il écrit par exemple à propos des communistes en 1928 : « Ils veulent anéantir ce qui nous est le plus cher : l'Église, le Pays, l'ordre social et familial. [...] Ni platitudes ni politesses aux gens de Moscou. Il faut seulement leur dire trois mots : À la porte ! »
Son mouvement connaît ainsi une progression extraordinaire, jusqu’à la déclaration du Cardinal Van Roey, avant les élections de 1937 : « [la lettre épiscopale] vise formellement Rex et elle condamne ses méthodes et ses principes fondamentaux ; au sujet de Rex, nous sommes convaincus qu'il constitue un danger pour le pays et pour l'Église. Par conséquent, le devoir de tout catholique loyal dans l'élection du 11 avril est clair et toute abstention doit être réprouvée».
Je pense qu’il faut remonter au 19e siècle pour saisir l’origine de telles idéologies fascistes en terres européennes. A une époque où le communisme est encore inexistant. Pour faire vite, je pointe l’invention des théories nationales et la montée des nationalismes, qui vont de pair avec des théories et obsessions raciales (avec leurs classifications en races supérieures et inférieures ; - dans les colonies aussi) et un antisémitisme déjà bien présent (pas qu’en Allemagne) avec toute sa mythologie du pouvoir occulte de la « juiverie » financière « mondiale ».
D’autre part, je rejoins l’avis de nombreux historiens contemporains qui ne pensent plus séparément la Première de la Seconde Guerre Mondiale. Le Traité de Versailles a constitué une authentique catastrophe pour l’Allemagne et, avec le crash financier de 1929, a provoqué non seulement le succès d’Hitler mais la reprise, en quelque sorte, de la Première Guerre Mondiale même.
Ceci me paraît beaucoup plus déterminant que la menace du communisme en Allemagne même.
Enfin, je ne saisis pas pourquoi vous passez sous silence, dans votre comparaison et balance des terreurs des uns et des autres, la Shoah même.
Or, même si je suis persuadée que le totalitarisme communiste a produit goulags et cette famine en Ukraine par exemple, seul le nazisme a osé penser et « réussir » sa Solution Finale. Et ce ne peut être la peur du communisme qui puisse justifier d’aucune façon cette réussite étatique, bureaucratique et industrielle de la « destruction des Juifs d’Europe », pour reprendre le titre de la remarquable étude du génocide des Juifs d’Europe par Raul Hilberg.
Écrit par : plumeplume | 19 septembre 2013
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L'exemple de Margarete Buber-Neumann est une parfaite illustration des parallélismes de forme pouvant aller jusqu'à la complicité entre deux totalitarismes ennemis. Elle n'a pas été la seule mais a eu cette chance de survivre pour témoigner. Puisqu'on tourne autour du thème du nationalisme, cet exemple, conforté par le sort qu'ont eu à subir les minorités nationales en URSS, indique que cette notion n'est pas étrangère au communisme dont, et là je réponds en même temps à Caque, la vocation internationaliste a cessé très rapidement. Tout d'abord à cause de l'échec des révolutions communistes, notamment en Allemagne et en Italie, et parce que cette universalisation ne pouvait que se heurter aux particularismes nationaux. Comme vous le faisiez remarquer justement il n'y a pas eu un communisme, mais plusieurs et j'ajouterai que cette diversité pourrait être corrélée avec les différences nationales. C'est d'ailleurs une des limites théorique du communisme d'avoir sous-estimé ces résistances.
Sur les deux guerre mondiales, effectivement elles sont indissociables l'une de l'autre, la seconde trouvant ses sources dans la première. Mais avec entre les deux l’avènement de deux systèmes politiques inédits, l'un a vocation universaliste, au moins au début, et l'autre bâti, et c'est là que nous divergeons, sur un modèle équivalent mais en réaction bâti autour de la nation (dans le nazisme il y a la race, mais celle-ci se confond avec la nation). Pour affirmer les similitudes on pourrait entrer dans les détails, Caque le fait un peu en parlant de l'Italie fasciste vue par sa mère, et s'intéresser à la politique sociale des régimes fascistes, chose qu'on néglige trop souvent pour se concentrer sur les aspects inacceptables et qui pourtant explique assez bien l'adhésion des populations à ces régimes. Et donc la seconde guerre mondiale s'est aussi l'affrontement de deux systèmes dont l'un doit disparaitre.
Il n'en sera plus de même ensuite avec le communisme et le capitalisme, pourtant bien plus éloignés, le second l'ayant emporté essentiellement par défaut, par implosion du second. Je ne suis pas sûr, je ne le pense même pas, que ce soit l'arme nucléaire qui ait empêché cette confrontation décisive.
J'ai un peu de mal à établir cette filiation entre les nationalismes du 19ème et le fascisme. La nation est sans doute au centre, mais ça ne préjuge en rien des régimes ensuite. Tous les pays concernés n'ont pas sombré dans le fascisme, mais on remarquera tout de même que les tentatives communistes dans certains, Hongrie par exemple, ont amené des réactions amenant des régimes autoritaires de type fasciste. Mais là aussi il existe des frustrions liées à la guerre (traité de Trianon en l'occurrence). Faire la part des choses n'est donc pas forcément aisé, les corrélations pouvant être faites se croisant.
Il n'était pas dans mes intentions de faire une balance, en termes d'horreur, des crimes entre les deux régimes. J'ai juste parlé de rationalité chez l'un et de crimes thématiques chez l'autre. La Shoah est un processus rationnel dans l'esprit des nazis. Il faudrait d'ailleurs en tracer l'historique pour être clair sur le sujet, avec l'évolution des projets quant au sort des juifs, les différences de traitement entre les juifs de l'est et ceux de l'Ouest, choses assez complexes. Il ne s'agit évidemment pas de relativiser le crime (méfions-nous des interprétations) mais sa genèse est assez surprenante et pour tout dire ne pouvait guère être attendue sous cette forme par les contemporains, notamment les dirigeants des autres nations dont on s'explique parfois mal le silence ou l'incrédulité. Je vous conseille, et ça vaut aussi pour la comparaison des crimes nazis et communistes,le livre de Thimothy Snyder "Terres de sang : l'Europe entre Hitler et Staline", un remarquable travail (neutre) d'historien qui devrait dégouter définitivement ceux qui auraient une quelconque indulgence pour un des deux régimes.
Écrit par : Vlad | 19 septembre 2013
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L'apport de Vlad, notamment sa dernière intervention, me permet de réaliser ou, plutôt, de nuancer ici ce que j'ai caractérisé de façon schématique en comparant communisme et fascisme au regard du prolétariat et des ruraux et paysans. C'était schématique et, en partie réducteur, et Vlad rappelant qu'il y a "les" communismes me permet de revenir là-dessus.
Ma comparaison était communisme des soviets / fascisme d'Europe du sud.
Et, justement, l'Italie me fait penser que le PCI a eu une forte emprise paysanne et rurale (tout comme le fascisme), c'est moins clivé en Lombardie où des conglomérats industriels (à Turin surtout) étaient le siège de cellules très actives.
Le castrisme n'a pas de racines dans un prolétriat industriel.
Néanmoins, le discours des communismes est tout de même marqué par la révolution industrielle du XIXème siècle et ce qu'en a perçu Karl Marx en Grande-Bretagne.
Quant à une "filiation" des fascismes avec les nationalismes du XIXème siècle : je ne pense pas. L'Allemagne s'est de fait constituée après 14-18, son nationalisme a été excité, exacerbé, par les conditions imposées par les alliés, l'un des ressorts mobilisés un peu plus tard par le caporal autrichien.
Il en est de même pour l'Italie dont les frontières actuelles ne sont définitives qu'au XXème siècle. Le régime fasciste se substituant à la monarchie de Victor-Emmanuel. Le régime saura rappeler que Nice fut "italien" et obtiendra du Führer que ce soient ses troupes qui occupent le sud-est de la France...
Enfin, il y a des fascismes. Et, de ce point de vue, le national-socialisme emprunte aux vertus du marxisme-léninisme un certain rationnalisme (en se libérant en même temps de la contrainte religieuse). Vlad rappelle ce que fut la "solution finale", planifiée mais différenciée. Et n'oublie pas de rappeler que Stalinisme et Nazisme sont deux versions, antagonistes et complices (non : pas d'oxymore mais une réalité et une...rivalité) d'une même barbarie...
Écrit par : caquedrole | 19 septembre 2013
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Caque, je souhaitais vous répondre suite à votre intervention d'hier. Mais je me rends compte que mes réponses à Plumeplume et à Pyroman englobent en grande partie ce que je voulais dire. Et votre dernière intervention en fait d'ailleurs part, au moins pour une partie.
Le sujet est effectivement intéressant car il déborde effectivement du seul sujet du fascisme que pour ma part je ne peux guère dissocier du communisme en tant que phénomène, et aussi parce qu'il permet d'étendre la réflexion à d'autres totalitarismes.
Quant à la projection sur l'actualité, elle me parait relever quelque peu de l'équilibrisme. Parce le fascisme est finalement assez vague, pas vraiment théorisée se rapportant d'ailleurs par son nom au pays où il a émergé. Antidémocratique, antilibéral, antiparlementaire, nationaliste, culte du chef, voilà quelques caractéristiques mais qui ne lui sont pas propres comme j'ai tenté de le montrer. Alors évidemment le terme même est sorti de tout cela pour désigner celui qui par exemple réclame la maitrise de l'immigration, demande qu'on règle le problème des Roms, s'interroge sur l'identité nationale ou que sais-je, en fait les sujets tabous figurant dans ma réponse à Pyroman. Le fasciste c'est aussi celui qui va s'opposer au mariage pour tous ou aux autres trouvailles des progressistes. De fait à un moment ou à un autre on a tous une chance d'être le fasciste de quelqu'un (je me souviens d'un débat entre deux hommes de gauche au sujet de l'insécurité culturelle justement. Celui qui prenait en compte ce concept finissait en fasciste de l'autre évidemment). Certains plus que d'autres évidemment. Big sourire de ma part.
Demain j'entame ma transhumance automnale donc je serai absent des réseaux sans doute jusqu'à dimanche.
Bonne soirée.
Écrit par : Vlad | 19 septembre 2013
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Chers intervenants !
Croyez bien que je lis attentivement toutes vos interventions et je me réjouis de ce que ma petite bafouille ait pu donner lieu à une discussion aussi intéressante, notamment avec l'arrivée de Vlad qui développe sa propre perspective avec rigueur, contraignant d'autres à nuancer la leur, et réciproquement.
Je n'interviens pas moi-même parce que je ne voudrais pas casser cette dynamique...
Merci à tous pour cette preuve de sérieux et de bonne volonté !
Écrit par : sk | 19 septembre 2013
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1. "sauf ce qu'on appelle l'extrême-droite qui ne propose pas de solution sérieuse aux problèmes mais a cet avantage de les nommer" - Vlad
2. "Car il me semble que beaucoup de gens ont compris que l'influence des politiques sur l'économie est tout à fait marginale et que les grandes décisions se prennent ailleurs. La façade ce sont ces grand-messes comme le G20, la réalité des décisions prises dans l'ombre par des gens certainement pas élus et se servant du paravent qu'offrent les politiques pour imposer leurs volontés." - Vlad
3. "ait pu donner lieu à une discussion aussi intéressante, notamment avec l'arrivée de Vlad qui développe sa propre perspective avec rigueur, contraignant d'autres à nuancer la leur, et réciproquement." -SK
@ Vlad
1. Avec les enjeux électoraux que chacun sait ici et les stratégies qui en découlent.
2. La pauvreté matérielle fait en occident comme en orient, et ailleurs, le lit des extrêmes. Si ces sociétés se radicalisent alors dans un nationalisme exacerbé, c'est la guerre (pour n'importe quel prétexte) encore plus surement que pour des conflits liés au contrôle des ressources ou aux déséquilibres des échanges où la négociation peut parfois s'instaurer. En interne, c'est le désordre ou les mafias, avec ou sans le prétexte de la religion.
@ SK
3. Et je trouve cela également très intéressant.
Écrit par : Pyroman | 19 septembre 2013
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"Le fait même d'être "modérés" malgré les dangers que cela représente n'est-il pas une façon de se démarquer. N'oublions pas que les musulmans dits "modérés" ne sont pas obligatoirement politisés et donc peu apte à prendre la parole." Aquatinte
@ Aquatinte,
Bien sûr ! Et comme par hasard, juste avant que les conflit éclatent, ce sont souvent les modérés qui sont décriés ou liquidés, quand il s'agit de créer les conditions d'une prise de pouvoir violente.
Cdlt
Écrit par : Pyroman | 19 septembre 2013
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Caque,
Tu m’objectes ceci : « Quant à une "filiation" des fascismes avec les nationalismes du XIXème siècle : je ne pense pas. L'Allemagne s'est de fait constituée après 14-18, son nationalisme a été excité, exacerbé, par les conditions imposées par les alliés, l'un des ressorts mobilisés un peu plus tard par le caporal autrichien. »
Je ne suis pas du tout convaincue. Ma réponse sera hélas longue, désolée.
L’état-nation est une notion qui apparaît clairement au 19e siècle, et les historiens sont sollicités pour le définir, construire son identité, son passé (mythologique) afin de pouvoir légitimer les revendications nationales et élaborer l’avenir de cette nation en construction. Sans entrer dans le détail, mais on peut, avec une certaine pertinence (cf. l’historiographe juif et sioniste Hans Kohn) distinguer deux types de nationalismes dans cette Europe du 19e siècle :
1) le premier serait une tendance occidentale qui s’est développée autour de l’océan atlantique (la France, l’Angleterre – à l’exception de l’Irlande -, les Etats-Unis, et dont la nation la plus à l’Est serait la Confédération helvétique) conçoit la nation comme une création volontaire du peuple, qui s’inspire de la tradition de la Renaissance et de l’ère des Lumières, et dont les principes sont fondés sur l’individualisme et le libéralisme tant juridique que politique ;
2) le second courant nationaliste serait incarné par l’Allemagne et la Russie et qui conçoit la nation comme une communauté organique rigide, fondée sur d’anciens et originels liens de sang, avec une dimension religieuse, voire mystique.
Le premier courant, dit occidental, s’est développé de l’intérieur dans des états déjà existants, bien avancés aussi dans la modernité sociale et politique, où la conscience nationale pouvait s’appuyer sur une bourgeoisie puissante et laïque. Par contre, pour Kohn, la conscience nationale dans l’Europe de l’Est (à l’exception de la Tchécoslovaquie) s’est catalysée sur un plan historique, par un élément extérieur, les conquêtes napoléoniennes, et revêtit au début, la forme d’un mouvement d’opposition et de ressentiment contre les idées des Lumières. A la différence encore du premier courant, l’idée nationale dans le second courant vint bien avant le mécanisme de modernité étatique avec lequel elle n’eut d’ailleurs pas de lien profond. De surcroît, il n’y avait pas de classes moyennes bien établies, et les institutions civiles mises en place relevaient d’autorités royales et aristocratiques.
Il existait bel et bien au 19e siècle une idéologie nationaliste pangermanique, qui se développe autour de la Prusse des Hohenzollern , et qui s’est exacerbée en effet suite aux invasions napoléoniennes, avec du coup une caractéristique supplémentaire, elle se montre « antifrançaise ». Dans un romantisme politique, on voit apparaître une exaltation de la société basée sur l’amour du sol et de la civilisation rurale ; un sentiment national qui valorise hautement des valeurs telles que la discipline, le respect de l’autorité, le militarisme et une méfiance vis-à-vis de l’étranger. Si un poète tel que Henri Heine s’en moque en parlant de « teutomanie » ou le philosophe Nietzsche en dénonçant deux « bêtises allemandes » : la bêtise antifrançaise et la bêtise antisémite, d’autres (songeons entre autres, un peu plus tard au 19e siècle, à Wagner) exaltent de plus en plus les grands mythes germains. Et en 1842 déjà, est érigé un monument au-dessus du Danube, à la gloire d’un de ces mythes, celui du Walhalla.
Les différents conflits et révolutions autour du milieu du 19e siècle, sont beaucoup plus nationalistes que libéraux ou socialistes. Au contraire, se développe déjà l’idée d’un socialisme proprement allemand, qui transcenderait les oppositions droite/gauche ; un « national socialisme » à la sauce germanique d’avant la lettre en somme. (1)
Je vais arrêter mon argumentation ici. Je le conclurais ainsi, trop schématiquement : La guerre de 14-18 ne s’explique pas sans le substrat idéologique de la prétention pangermanisme effective dès le 19e siècle ; et le succès du « petit caporal autrichien » ainsi que le déclenchement de la guerre seconde ne s’expliquent pas sans tenir compte, et de cette idéologie nationaliste, et du Traité de Versailles qui humilie et met cette neuve Allemagne, non seulement dans des frontières réduites, mais à genou.
Voilà.
C’était aussi ma dernière intervention en blogosphère pour un certain temps. Je voudrais et dois prendre du repos. Merci à tous les intervenants pour la qualité de leurs commentaires.
……………………………………………………………
(1) : Je me suis appuyée pour ce paragraphe de certains éléments puisés d’une étude signée François-Georges Dreyfus : clio.fr/BIBLIOTHEQUE/nationalisme_et_sentiment_national_en_allemagne.asp
Écrit par : plumeplume | 20 septembre 2013
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Je découvre bien tardivement cette longue mise au point de Plumeplume. Oui, j'ai schématisé en constituant l'Allemagne, Nation contemporaine, à partir de la défaite de 14-18. J'ai négligé Bismarck, j'ai omis de rappeler que Wilhelm II est kaiser depuis que l'empire d'Allemagne est constitué en 1871.
J'aurais pu parler de Cavour pour la future Italie...
D'accord avec Plumeplume sur le fait que le "socialisme" aurait dû se développer en Allemagne d'abord, autour du Bassin de la Rhur, du Rheinland industriel. C'est un nationalisme prussien revanchard (même si la guerre de 70 était une victoire pour eux) qui prendra le pas derrière le casque à pointe impérial (là encore, je donne quitus à Plumeplume de l'influence des "conquêtes" ou des victoires napoléonniennes pour expliquer ces prurits revanchards) sur ce socialisme... ce dernier que saura exploiter Hitler pour dissimuler son fascisme derrière une organisation sociale (épurée) : national-socialisme...
Ayant rapidement relu des commentaires, je ne suis absolument pas Vlad dans l'idée d'une hiérarchisation de l'horreur, voire d'une subordination d'une horreur à l'autre. Ayant fait le constat, les uns et les autres, que "les" communismes sont pluriels, il nous faut mettre face à face le nazisme et le stalinisme plutôt que "le communisme". Le mode germanique est plutôt nationaliste et ethnique, le mode russe est plutôt expansionniste.
Écrit par : Caquedrole | 24 septembre 2013
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Caque,
d'abord une petite correction. Guillaume II n'était pas empereur depuis 1871 mais depuis 1888. C'est le troisième empereur.
Sinon, je n'ai jamais hiérarchisé les horreurs. J'ai juste comparé les rationalités dans l'horreur.
Maintenant, peut-être par charité, plutôt indulgence vis-à-vis du communisme, vous pouvez toujours faire des nuances, mais en ce qui concerne le mode de fonctionnement, terreur et répression, ça marche toujours de la même façon avec les mêmes horreurs. Vous auriez du mal à me trouver un système communiste auquel on ne puisse pas reprocher de crimes d'ampleur Cambodge? Corée du Nord? Cuba, Chine?. Je ne distingue pas le stalinisme du communisme. Des choses ont été écrites à ce sujet par des soviétiques, souvent dissidents, quoique ayant été communistes à une époque et qui assurent que Staline est la suite logique de la période Lénine lequel était également un grand criminel. Le crime est consubstantiel du communisme dès lors que son avènement exige que disparaissent les oppositions, desquelles il se nourrit d'ailleurs, quitte à en inventer, pour justifier son manque de résultats.
Écrit par : Vlad | 24 septembre 2013
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J'ai visiblement un commentaire qui ne passe pas...
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Hola Caquedrole ! Aucun com dans la file d'attente pourtant... Renvoyez, si vous l'avez en mémoire... A bientôt, SK
Écrit par : Caquedrole | 25 septembre 2013
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