Dans ce court document d'Euronews (13-1-2010), le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, général au pouvoir depuis le limogeage de Habib Bourguiba, qu'il a destitué en 1987, insiste en empruntant la manière gaullienne : "La situation nécessite un changement radical. Je vous ai compris ! J'ai compris tout le monde : le chômeur, le nécessiteux, le politicien, et ceux qui demandent plus de liberté. J'ai compris tout le monde, mais ce qui se passe aujourd'hui n'est pas propre aux Tunisiens." (*) - Le document s'arrête, sans commentaire, sur ce dernier propos. En effet, il y a également l'Algérie, dont on parle moins, depuis que les médiatiques français se sont découvert une profonde affection pour la Tunisie. Cela va des personnalités politiques comme M. Dupont-Aignan ("Ben Ali c'est fini") ou Mme Lienemann ("Solidarité avec le peuple tunisien !") aux journalistes tels que Jean-Michel Apathie ("Il faut parler de la Tunisie") ou Edwy Plenel ("Soutenir l'insurrection de la Tunisie"). La Règle du jeu de Bernard-Henri Lévy commence également à se prendre au jeu : "Tendre l’oreille aux grondements de la jeunesse tunisienne pour mieux la protéger". - Peut-être le soutien hautement médiatisé à Mme Sakineh Mohammadi Ashtiani - invariablement appelée par son prénom, comme s'il s'agissait d'une amie de longue date - s'essouffle-t-il quelque peu : Il faut donc braquer les projecteurs ailleurs !
Hier soir, dans un débat télévisé ("Ce soir ou jamais"), j'ai entendu dire que l'Algérie n'a pas eu son Lech Walesa ou son Vaclav Havel. C'est vrai. Et elle n'a pas eu son Gorbatchev. Sa perestroïka et sa glasnost. - Il est sans doute trop tard pour rattraper le temps perdu. On aurait dû le faire après les événements du 5 octobre 1988. Ou le Printemps noir. Or, aujourd'hui la jeunesse se révolte à nouveau : Le sucre est trop cher. Il n'y a pas de boulot. La liberté d'opinion n'est pas garantie. Les terroristes peuvent frapper n'importe quand, n'importe où, n'importe qui. La jeunesse est courageuse. Elle a le courage du désespoir.
Un jour, la jeunesse algérienne et tunisienne finira bien par changer les régimes en place. Ce sera d'abord un changement de génération. La vieille garde sera devenue sénile et facile à limoger, si elle n'a pas l'intelligence de s'en aller avant la date de péremption pour éviter cette honte, comme ce semble être le cas pour M. Ben Ali.
Un jour, la jeunesse algérienne et tunisienne finira bien par changer les régimes en place. Ce sera d'abord un changement de génération. La vieille garde sera devenue sénile et facile à limoger, si elle n'a pas l'intelligence de s'en aller avant la date de péremption pour éviter cette honte, comme ce semble être le cas pour M. Ben Ali.
Se souvient-on encore des Émeutes du pain en Tunisie qui ont eu lieu exactement à la même période de l'année, voici 27 ans, entre le 27 décembre 1983 et le 6 janvier 1984 ? Il s'agissait alors d'une révolte de la pauvreté après une augmentation du prix du pain et de la semoule, qui aura finalement été annulée par un président Bourguiba que l'on voyait déjà sous tutelle. M. Ben Ali semble avoir retenu la leçon. Mais jusqu'où tiendra-t-il les promesses qu'il vient de faire ?
Voilà donc ce que le président Ben Ali avait compris : La fin de son "règne" ! S'il quitte le pays, il craint en outre pour sa sécurité, après 23 ans d'autocratie. - Par conséquent, il ne tiendra pas ses promesses. Pas même celle de son départ en 2014 !
(*) [update] Le verbatim du discours télévisé est reproduit ci-dessus. En comparant, il y a de toute évidence une erreur de traduction dans le voice over de BFM. En analysant cette erreur et la suppression de la phrase qui suit, on risque d'y découvrir une intention (consciente ou inconsciente). En effet la traduction de BFM dit : "J'ai compris tout le monde, mais ce qui se passe aujourd'hui n'est pas propre aux Tunisiens." - Dans le Quotidien de Tunis cela prend une autre tournure : "Je vous ai compris, je vous ai bien compris tous. Seulement, les événements qui se produisent, aujourd’hui, dans notre pays ne nous ressemblent pas. La destruction ne fait pas partie des coutumes du tunisien, le tunisien civilisé, le tunisien tolérant." La suppression de la dernière phrase donne un tout autre sens à la proposition ambiguë "n'est pas propre aux Tunisiens"...
ACTUALISATION (14-01-2011 --- 20:00)
Je vous livre le compte-rendu de l'AFP qui vient de paraître :
TUNIS — Voici le film des événements survenus vendredi en Tunisie où, à la suite d'un mois d'une crise sociale et politique sans précédent marquée par une répression sanglante, le président Ben Ali a fui le pays:
- Des milliers de manifestants se rassemblent dès le matin à Tunis et en province --Sidi Bouzid et Regueb (centre-ouest), Kairouan (centre)-- aux cris de "Ben Ali dehors".
- Le ministre tunisien des affaires étrangères Kamel Morjane estime possible la formation d'un gouvernement d'union nationale.
- Dans l'après-midi, à Tunis, les manifestants sont dispersés par la police à coups de grenades lacrymogènes. Des heurts violents opposent manifestants et policiers anti-émeutes. Un photographe français est blessé à la tête par un tir de gaz lacrymogène.
- Des blindés de l'armée se déploient devant les ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères et devant la Télévision et radio nationales.
- Ben Ali limoge son gouvernement dans le cadre de mesures d'apaisement annoncées la veille et appelle à des législatives anticipées dans six mois, déclare le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui indique avoir été chargé de former le nouveau gouvernement.
- Des voyagistes rapatrient des milliers de touristes européens. Air France annule ses vols à destination et à partir de Tunis.
- L'état d'urgence est décrété dans tout le pays. L'armée contrôle l'aéroport de Tunis qui est fermé.
- Le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit), Hamma Hammami, interpellé mercredi, est libéré.
- Les principaux partis d'opposition tunisiens, légaux comme interdits, demandent "le départ de Ben Ali et l'instauration d'un gouvernement provisoire chargé dans les six mois d'organiser des élections libres", dans une déclaration publiée à Paris.
- Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce à 17H00 GMT à la télévision qu'il assure l'intérim de la présidence en remplacement de Zine El Abidine Ben Ali, qui a quitté le pays après 23 ans de pouvoir. Il lance un appel à l'unité des Tunisiens, toutes sensibilités confondues et assure que la Constitution sera respectée.
- Selon la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), 66 personnes ont été tuées depuis le début mi-décembre des émeutes. En outre jeudi, 13 civils ont été tués à Tunis et sa banlieue et 2 autres à Kairouan, selon des témoins et des sources médicales.
- Des milliers de manifestants se rassemblent dès le matin à Tunis et en province --Sidi Bouzid et Regueb (centre-ouest), Kairouan (centre)-- aux cris de "Ben Ali dehors".
- Le ministre tunisien des affaires étrangères Kamel Morjane estime possible la formation d'un gouvernement d'union nationale.
- Dans l'après-midi, à Tunis, les manifestants sont dispersés par la police à coups de grenades lacrymogènes. Des heurts violents opposent manifestants et policiers anti-émeutes. Un photographe français est blessé à la tête par un tir de gaz lacrymogène.
- Des blindés de l'armée se déploient devant les ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères et devant la Télévision et radio nationales.
- Ben Ali limoge son gouvernement dans le cadre de mesures d'apaisement annoncées la veille et appelle à des législatives anticipées dans six mois, déclare le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui indique avoir été chargé de former le nouveau gouvernement.
- Des voyagistes rapatrient des milliers de touristes européens. Air France annule ses vols à destination et à partir de Tunis.
- L'état d'urgence est décrété dans tout le pays. L'armée contrôle l'aéroport de Tunis qui est fermé.
- Le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit), Hamma Hammami, interpellé mercredi, est libéré.
- Les principaux partis d'opposition tunisiens, légaux comme interdits, demandent "le départ de Ben Ali et l'instauration d'un gouvernement provisoire chargé dans les six mois d'organiser des élections libres", dans une déclaration publiée à Paris.
- Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce à 17H00 GMT à la télévision qu'il assure l'intérim de la présidence en remplacement de Zine El Abidine Ben Ali, qui a quitté le pays après 23 ans de pouvoir. Il lance un appel à l'unité des Tunisiens, toutes sensibilités confondues et assure que la Constitution sera respectée.
- Selon la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), 66 personnes ont été tuées depuis le début mi-décembre des émeutes. En outre jeudi, 13 civils ont été tués à Tunis et sa banlieue et 2 autres à Kairouan, selon des témoins et des sources médicales.
Voilà donc ce que le président Ben Ali avait compris : La fin de son "règne" ! S'il quitte le pays, il craint en outre pour sa sécurité, après 23 ans d'autocratie. - Par conséquent, il ne tiendra pas ses promesses. Pas même celle de son départ en 2014 !
(*) [update] Le verbatim du discours télévisé est reproduit ci-dessus. En comparant, il y a de toute évidence une erreur de traduction dans le voice over de BFM. En analysant cette erreur et la suppression de la phrase qui suit, on risque d'y découvrir une intention (consciente ou inconsciente). En effet la traduction de BFM dit : "J'ai compris tout le monde, mais ce qui se passe aujourd'hui n'est pas propre aux Tunisiens." - Dans le Quotidien de Tunis cela prend une autre tournure : "Je vous ai compris, je vous ai bien compris tous. Seulement, les événements qui se produisent, aujourd’hui, dans notre pays ne nous ressemblent pas. La destruction ne fait pas partie des coutumes du tunisien, le tunisien civilisé, le tunisien tolérant." La suppression de la dernière phrase donne un tout autre sens à la proposition ambiguë "n'est pas propre aux Tunisiens"...
C'est mesquin comme discours. Déclarer à son peuple qu'il les a tous compris. Maintenant, après 23 ans de règne et de dictature? lamentable. Pour sauver sa peau, il était prêt à tout, au carnage d'abord et finalement nous faire avaler ces couleuvres. D'ailleurs, depuis un certain temps, BEN ALI vivait dans une autre époque, ne dit on pas que lorsque sa femme inculte consultait chaque matin les rapports de sécurité du pays, le bonhomme passait sa journée à jouer avec son seul fils, dans les couloirs du palais.
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