mardi 20 août 2013

Election Blues

Dans un mois (le 22 septembre 2013), les citoyens allemands élisent le nouveau Bundestag. Selon les sondages, l'actuelle chancelière chrétienne-démocrate Merkel ("Angie") va repasser les doigts dans le nez. Autant dire que le déplacement jusqu'à l'isoloir devrait prendre, aux yeux de l'électeur moyen, l'allure d'une corvée parfaitement inutile...


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Mme Merkel passera ou bien avec le concours des libéraux du FDP, si ceux-ci - en nette perte de vitesse - franchissent la barre des 5% nécessaires pour entrer au parlement et si une coalition CDU/FDP obtient à nouveau la majorité des voix, ou bien - avec une plus grande probabilité - dans le cadre d'une "grande coalition" avec les sociaux-démocrates du SPD qui fourniront alors le vice-chancelier, en principe le candidat Peer Steinbrück.


Ce qui pose un réel problème pour la démocratie, c'est que ces élections allemandes semblent jouées d'avance, non seulement pour les sondeurs, mais pour tous les commentateurs et sans doute également pour l'électorat de base, de telle sorte que, si les affiches électorales fleurissent un peu partout avec de splendides têtes à claques et des slogans à coucher dehors, il n'y pas pour autant de véritable campagne, de vrais débats électoraux où les thèmes importants pour les uns et les autres soient mis sur la table...


L'Allemagne contemporaine qui se veut - sans doute à juste titre - une "démocratie exemplaire" illustre involontairement une évolution tendant à niveler les différences traditionnelles entre la "droite" et la "gauche", en excluant par ailleurs tout courant politique qualifié d'extrémiste, condamnant donc par avance toute alternative politique, toute véritable alternance au sein du système établi...





C'est sans doute l'action du chancelier Schröder (1998-2005) - l'instigateur des réformes Hartz ayant conduit à la libéralisation excessive du marché du travail - qui aura sérieusement entamé la crédibilité des sociaux-démocrates aux yeux de l'électorat de gauche. A l'inverse, certaines actions du gouvernement Merkel, comme la transition énergétique (Energiewende), ne sont pas vraiment du goût de l'électorat de droite. Et, de façon générale, on peut dire que la chancelière ne mène pas une politique sociale plus catastrophique - comment le pourrait-elle ? - que celle de son prédecessur social-démocrate.


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Le challenger Steinbrück (SPD) et la chancelière sortante (photo : dpa)


Il est évident qu'avec la réduction drastique des énergies non-renouvelables, Mme Merkel capte des voix dans le camp vert (Bündnis '90 / Die Grünen), allié traditionnel du SPD et refusant toute coalition à droite : contrairement à la France, les écologistes représentent une force importante en Allemagne avec leurs 10% aux dernières élections fédérales (2009) et parfois beaucoup plus, notamment au Bade-Württemberg avec, depuis 2011, un président de région vert.


Parmi les partis classés comme "extrémistes", il y a La Gauche (Die Linke) qui a tout de même fait un score de 11,9 % (76 élus) aux élections fédérales de 2009 : pour des raisons historiques, l'alliance avec les sociaux-démocrates ("rouge-rouge") reste impossible, même si des signes d'ouverture apparaissent et que des coalitions régionales existent. Dès lors, ce sont des voix perdues pour le SPD, auxquelles s'ajoutent les votes, de moins en moins nombreux, pour les Pirates, dont personne ne connaît vraiment le programme politique, si l'on excepte la revendication d'un Internet libre et gratuit qui, avec l'armada commerciale en face, est plutôt bâteau. - A droite, on a récemment assisté à l'émergence de l'Alternative pour l'Allemagne, qui réclame une sortie de l'euro à peine plus crédible (en parlant de crédit), et il y a toujours le destrissime NPD - inextinguible dinosaure ! - qui, fort heureusement, n'a jamais franchi la haie des 5% barrant l'entrée du Bundestag.



En attendant, si l'Allemagne, ce légendaire "champion du monde de l'export", réussit au plan économique, si son taux de chômage est parmi les plus bas, une majorité de la
population en paye le prix fort : on trouve du travail, certes, mais il faut voir à quel prix et dans quelles conditions. - C'est ce genre de débats qu'on a l'habitude de mener dans le cadre d'une campagne électorale. Or, puisque ces élections sont jouées d'avance...



 Canned Heat (1973) : Election Blues
("Dick's on the front again, baby...")
[audio http://3txt.free.fr/audio/election.mp3 ]


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Commentaires

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Vous écrivez"…ces élections allemandes semblent jouées d'avance, non seulement pour les sondeurs, mais pour tous les commentateurs et sans doute également pour l'électorat de base…" et posez ça comme un problème pour la démocratie.
Ce qui pose un problème pour la démocratie, à mon avis, ce sont les sondeurs qui influencent l'électorat, dans une certaines proportion, l'incitant notamment dès lors qu'il est peu intéressé par les alternatives proposées (surtout quand il n'y en a pas) ou persuadé que son bulletin ne changera rien au résultat (l'effet multiplicateur peut être terrible), à ne pas se déplacer. Pour ma part, je suis très hostile à toute forme de sondage électoral.
Les commentateurs, je pense que vous vous référez aux journalistes, de leur côté suivent soit une ligne politique avec une manière de traiter l'information assez surprenante, stupéfiante et en tout cas pas en phase avec une démocratie qui ne peut pas fonctionner avec une information qui a pris des allures de propagande, soit se mettent dans le sens du vent.
De fait ce ne sont pas les élections qui posent un problème en démocratie, une chance, non?, mais ce qui gravite autour et qui n'a rien à voir avec la confrontation des idées, les sondages, ou ce qui les traduit de façon tronquée et partisane.


Pour en revenir au cas de l'Allemagne vous parlez d'une évolution effaçant les différences entre la CDU et le SPD. Je pense que c'est le cas depuis déjà bien longtemps. Et même en France depuis le virage de 83. Mais les discours sont différents en France et en Allemagne. La constitution allemande interdisant d'élections les partis extrémistes, jugés antidémocratiques, le discours ne peut que se niveler chez nos voisins tandis qu'en France et parce qu'on n'est souvent dans des marges faibles entre les candidats au second tour de la présidentielle, il ne peut évidemment que se radicaliser pour aller draguer cet électorat d'appoint dont on ne souciera guère ensuite.


Quant aux mesures initiées par Schöder et poursuivies par Merkel, selon qu'on se place du point de vue de l'individu ou celui de l'intérêt national, on ne les verra pas d'un même œil. De mon côté sur le moyen terme et peut-être davantage, je trouve qu'elles ont profité à l'Allemagne et qu'elles finiront par profiter aux individus, tandis qu'en France on continuera à couler lentement jusqu'à épuisement de l'Etat-providence. Ça, c'est une alternative, une vraie, mais elle n'est réellement discutée ni en France, ni en Allemagne, les principaux partis semblant acquis à leurs modèles nationaux respectifs.


Écrit par : Vlad | 21 août 2013


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Bonjour Vlad : Ce que vous dites - et je vous remercie de prendre le temps de commenter - est dans l'ensemble plutôt sensé. L'incessante virtualisation des sondages est certainement néfaste pour l'exercice de la démocratie. Ce que je dis, ce n'est pas que les commentateurs disent tous la même chose, loin de là, mais qu'ils sont, explicitement ou implicitement, d'accord sur le fait que Mme Merkel sera réélue chanceliére par le Bundestag quoi qu'il arrive. Et pour l'électeur de base, dont la formule phare est "blanc bonnet...", c'est du pareil au même. Pour ces raisons, auxquelles on peut ajouter la fameuse "personnalisation de la vie politique" au dépens des idées et des programmes, il n'y a pas ou peu de débats au cours de cette (non-)campagne : et, à mon sens, l'intérêt d'une élection réside aussi dans la mise à plat des idées et la négociation entre les divers camps, partis, perspectives...


Le nivellement entre "droite" (CDU) et "gauche" (SPD) est certes un phénomène allemand. De là à inférer que la démocratie est en danger, qu'elle n'est plus qu'une façade ou une "coquille vide", cela n'engage que moi... Mais ça se discute, notamment quand on considère le peu de pouvoir qu'ont les politiques - ceux qui sont honnêtes, á droite et à gauche, non les carriéristes et les vénaux - face à ce que j'ai appelé, précédemment, le "terrorisme économique"...


Enfin, pour le marché du travail, il faut venir voir, Vlad ! Je ne sais pas ce que vous faites dans la vie, mais lorsque vous êtes obligé de prendre ce qui se présente pour survivre, vous allez - je crois connaître un peu votre position politique - réclamer illico l'introduction du SMIC et la suppression de ces contrats de travail précaires, où l'on peut vous virer n'importe quand, période d'essai de six mois (!), et il faut voir ce qui vous reste à la fin du mois, quand vous avez réglé les "frais fixes"...


Bien à vous, SK


Écrit par : sk | 21 août 2013


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Un risque de vous paraitre provocateur et juste en observant ce qui se passe dans les pays occidentaux en général, la démocratie consiste à faire le choix entre un modèle gestionnaire, de gauche ou de droite peu importe car les différences ne sont pas fondamentalement significatives dans chacun des pays (il existe des différences entre les pays fruits de l'histoire et de la culture) au moins pour ce qui concerne l'économie et la finance, et un modèle ou des modèles disons plus enclins à l'autoritarisme, au nom de l'identité nationale par exemple ou de l'égalitarisme.


Et c'est le modèle gestionnaire qui l'emporte parce que
- les autres modèles sont présentés comme répulsifs par les médias, ce qui empêche au passage de traiter les sujets sur lesquels ils prospèrent, avec pour conséquence de les faire encore davantage prospérer,
- pour ce qui est de l'Europe, on s'est soumis à des règles qui imposent cela
- et conséquence de ce qui précède, parce que dès qu'on tente d'y échapper on est soumis à des fortes pressions (voir le cas de la Hongrie sans jugement de fond sur ce qui s'y passe, mais qui a "éveillé les consciences" à partie du moment où le pouvoir politique a tenté de mettre à sa botte sa banque centrale - au passage on n'est moins et même pas du tout regardant sur le droit des minorités dans les pays baltes, orthodoxes sur les plan économique et financier).


Donc effectivement, je suis assez d'accord avec vous quand vous parlez de démocratie en danger.
Ce qui tue la démocratie, c'est effectivement ce manque d'alternatives dans les domaines économique et financier, mais aussi cette chape de plomb posée au nom du politiquement correct sur certains sujets qui, mais c'est ma sensibilité, me paraissent bien plus important que le traitement d'une conjoncture économique défavorable même durable, puisqu'ils touchent à nos identités et à nos valeurs, donc à notre avenir sur le long terme. La dernière tirade de Valls sur le regroupement familial, là aussi sans porter de jugement sur le fond et même sur l'opportunisme de cette sortie, indique clairement ce qui ne peut être discuté alors que c'est, là je m'engage, fondamental. A gauche on ne veut pas traiter parce que ce n'est pas digne de la gauche et à droite on ne veut pas traiter parce que ce serait passer pour des fachos. Donc impasse...démocratique.


Écrit par : Vlad | 21 août 2013


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Jouées d'avance pour les sondeurs...


En France, en 1995 Balladur devait être élu ; en 2002 c'était Jospin (qui y a tellement cru qu'il s'est totalement fourvoyé durant sa campagne)...


Cela dit, ma comparaison avec la France est critiquable dans la mesure où, en France (surtout depuis 2002) où l'élection "mère" est la présidentielle et la législative visant in fine à donner une majorité à l'élu de la précédente, il faut la majorité absolue pour être "chef" et la majorité qualifiée pour avoir une "armée" parlementaire.


Je suis moins radical que Vlad dans ce que je pense des sondages et sondeurs, encore moins s'agissant des commentateurs (journalistes) qui ne peuvent que difficilement se dégager de leur propre ressenti de citoyens et de l'éventuelle "ligne" éditoriale de leur employeur.


Écrit par : caquedrole | 21 août 2013 | Avertir le modérateur
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Ah... j'oubliais : EXCELLENT le Election Blues...


Écrit par : caquedrole | 21 août 2013


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Welcome, Mr. Caquedrole !


Écrit par : sk | 21 août 2013


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Bonjour Monsieur SK,


La note est intéressante, je reviendrai la relire plus tranquillement ainsi que les commentaires qu'elle a suscités. Mais j'avoue avoir été surtout appâté par la "réclame" de Caquedrole à votre sujet chez Hubert41 : j'ai aussitôt accouru pour écouter le morceau des Canned Heat (vus et entendus sur scène, au Palais d'hiver à Lyon, à la fin des années 70).
Excellent choix d'illustration sonore, après ceux tout aussi excellents, d'illustrations tout court !


Cdlt


Écrit par : Pyroman | 21 août 2013


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Have mercy, Mr. Pyro !


Écrit par : sk | 21 août 2013


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Vous découvrant cet après-midi ,je viens de lire tout votre blog , a rebrousse -temps ..je vous promets d être dorénavant un lecteur fidèle .Mais mes propres blogs ou travaux de physique me " croquent le temps ".Ne m en veuillez pas alors si je reste silencieux à mes passages ,ou laconique ou taciturne dans mes remarques ....Enfin voilà un blog qui m intéresse : le votre!


Écrit par : olivier | 11 septembre 2013


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Merci, Olivier ! Mais mettez donc un lien sur votre blog...


Écrit par : sk | 11 septembre 2013


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olivier-4 blogs nouvelobs .com/ OU PLUS SIMPLE à partir de Google : olivier-4 nouvelobs ...... est cela que vous me demandez??????


Écrit par : olivier | 11 septembre 2013 |


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