mardi 8 mars 2011

La démocratie virtuelle consacre Marine Le Pen

Légende du Parisien : Sondage exclusif Louis Harris Interactive réalisé en ligne du 28 février au 3 mars 2011 auprès d’un échantillon de 1618 individus inscrits sur les listes électorales, issus d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas.

Ce sondage "consacre" Mme Le Pen, créditée de 23% des intentions de vote (si les présidentielles "avaient lieu demain"), soit près d'un quart de l'électorat. - Dans cette "photographie" du paysage politique francais, elle devance à la fois Mme Aubry et M. Sarkozy, tous deux estimés à 21% (en l'absence de DSK). Avec les 8% de M. Bayrou et les 7% de M. de Villepin, ainsi que le petit pour-cent accordé à MM. Morin et Dupont-Aignan, la "nouvelle" (toute virtuelle) devrait réjouir le camp de droite, puisqu'il remporterait cette présidentielle haut la main en totalisant le score surprenant de 23+21+8+7+1+1=61% ! - Ce résultat, qui ne laisserait que 39% à la gauche, rivalise avec cet autre sondage du 18 février 2011 qui inverse la donne : 61% pour M. Strauss-Kahn contre 39% au président sortant.

Voilà donc de quel bois se chauffe la "politique virtuelle". Alors que nous assistons à l'un des plus grands bouleversements de la scène internationale depuis la chute du Mur : la Révolution arabe qui est sans doute un effet tardif de la fin de la Guerre Froide, comme je l'ai remarqué ailleurs.

Or, même avec 30% des voix, Mme Le Pen n'arriverait pas au pouvoir en France. Ni avec 40%. - Tout cela est donc - à côté de l'exercice (très insidieux) de la "démocratie virtuelle" - une affaire de "postures", dont ces sondages sont la "matière volatile", donnant lieu aux commentaires des politologues, aux déclarations des responsables politiques et aux "analyses" de ces déclarations.



Le danger, le seul, est la répétition de 2002. Et ce risque existe sans doute. C'est donc de cela qu'il est question. Le sondage n'est ici qu'un prétexte. Pour "réorienter" une opinion publique "divertie" par des bouleversements au vrai sens du terme "historiques" sur les problématiques franco-françaises, et pour mettre les troupes en "ordre de bataille" pour 2012.

Il tombe donc à point nommé et sera suivi par d'autres de la même farine. Tant que Benghazi, Syrte et Tripoli accapareront (à juste titre) l'attention. Et que les principaux candidats ne se sont pas déclarés. Car c'est vrai : ni MM. Sarkozy et Strauss-Kahn ni Mme Aubry n'ont annoncé leur candidature. Et l'une de ces trois personnalités politiques pourrait bien être élue en 2012. Mme Le Pen non.

Dès lors, que reste-t-il de ces 23% ? Bien peu de choses, en vérité, si ce n'est le mensonge populiste de faire croire au "peuple" que ses intérêts seront représentés par quelqu'un qui ne sera jamais élu ou invité à participer à une quelconque coalition gouvernementale. Et le fantôme de 2002. Mais il est permis de penser que l'électorat français a mûri. Même si les sondeurs s'acharnent à vouloir démontrer le contraire !

~ actualisation ~

Le Parisien et Harris ont remis ça : Contre MM. Hollande (20%) et Strauss-Kahn (23%), Mme Le Pen totalise à présent 24% des "intentions de vote". Le président sortant accèderait au second tour dans le premier cas (21%) et laisserait sa place à DSK dans l'autre (20%). Bref, 2002 en 2012 !

Les commentaires fusent déjà. Or, à en croire les sondages, Dominique Strauss-Kahn battait tout le monde à plate couture le 18 février dernier ; aujourd'hui, c'est Mme Le Pen ; à qui le tour, demain ? - Préparez vos papiers !

Les 45 millions d'hommes et de femmes, qui n'ont pas été sondés par Harris, pourraient se sentir quelque peu exclus de ce feuilleton de "politique fiction" et montrer par leurs suffrages qu'ils ne sont pas un "panel", mais les citoyens responsables d'une grande démocratie européenne. Bon nombre d'entre eux refuseraient sans doute d'être ainsi interrogés par un parfait étranger à l'autre bout de la ligne sur leur vote, car en démocratie celui-ci s'effectue dans le secret et l'anonymat de l'isoloir. - D'autres doivent se sentir bien importants : si, en simplifiant le calcul, 2000 personnes représentent 40.000.000 d'électeurs, chaque sondé donne son opinion pour 20.000 d'entre eux. De quoi prendre la grosse tête et se laisser tenter à simuler un "vote sanction", ou à simplement répondre n'importe quoi pour alimenter la désorientation ambiante.

Imperturbables, les commentateurs diront : En admettant que ces sondages soient le reflet (plus ou moins) fidèle de la réalité politique actuelle, l'opinion publique française prend tout de même un sacré virage à droite. Ainsi, l'encore-majorité devrait, afin de le rester, faire des "concessions" (à l'extrême-droite) et se "durcir" ! - On aura beau dire qu'il ne s'agit que d'un sondage, qu'il y a donc une marge et un risque importants d'erreur... les sorties de la droite de gouvernement chercheront à "capter" cet électorat potentiel, aussi volatile que les sondages, dont les résultats présents serviront alors de "mobiles" pour durcir la politique d'immigration, à un moment historique qui réclame son assouplissement au moins temporaire, non par "humanisme" mais par simple "humanité", mais aussi pour dessiner ce diable d'islamisme sur les murs, quand la Révolution arabe tend à montrer qu'il y a une vie après la religion, enfin et surtout pour renforcer les mesures sécuritaires (autoritaires), privilégiant la répression sur le dialogue social et la prévention, qui font pourtant leurs preuves ailleurs (et même chez nous). Voilà donc une conséquence très réelle de la démocratie virtuelle mise en scène par les instituts de sondages, tel un effet rétroactif qui finit par influencer l'opinion publique au point, diront certaines mauvaises langues, de la manipuler ...

Mais, fort heureusement, nous avons la presse dite libre, indépendante et démocratique pour mettre tout ça en perspective et pour rappeler qu'un sondage, fût-il du Parisien, n'est qu'un sondage. Même s'il est martelé trois fois comme une rafale de mitraillette dans le paysage politique français. Ce n'est qu'un sondage de 1618 personnes sur 44.472.834 (électeurs inscrits en 2007). Si 162 personnes sur 1618 se trompent de bulletin, le résultat change déjà de ~10%. Et voilà que certains redescendent à 13%, que d'autres remontent à 33%. Mais vu les écarts donnés par Harris pour revenir en deuxième quinzaine, il suffit déjà de 30 ou 40 abrutis pour décider si, oui ou non, 2002 se répètera en 2012. - Un peu léger, tout de même !

PS. Ce soir ou Jamais : Jean-Daniel Lévy, directeur du département "Opinion" de Harris Interactive, est sur le plateau de Frédéric Taddéi. Il répète par deux fois (puis trois) que son institut n'a pas voulu faire de "coup". Posture démasquée illico par l'ex-Guignol Bruno Gaccio. - Dans le cours de la discussion, on apprend que certains sondés touchent, par voie de "loterie", une rémunération pour leur prestation. Et que d'autres, tout heureux de pouvoir s'exprimer (et de représenter plus de 27.000 électeurs chacun), glissent un "merci"  franc et cordial dans la section commentaires. - Petit lapsus final de M. Lévy (Harris) qui dit Marine au lieu de Martine. - Révélateur pour l'écrivain gaulliste Denis Tillinac. - Du reste, on parle de la prise en compte du "vote blanc" (défendu par B. Gaccio). Une autre manière d'exprimer sa "colère" (que par un "vote sanction"). Et, puisque c'est la revue de presse, on passe au procès Chirac sans avoir vraiment épuisé le sujet ... Excellente chute tardive de l'économiste Michel Godet  à l'adresse du "sondeur de chez Harris" (déjà parti) : Demandez au curé si vous pouvez fumer pendant que vous priez, il va vous dire non, et demandez-lui si vous pouvez prier pendant que vous fumez, il va vous dire oui !

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