vendredi 6 avril 2007

[France 2007] Identité nationale | "Soutenances"

"Identité Nationale"
(dimanche 11 mars 2007)


Après le soutien de M. Glucksmann à Nicolas Sarkozy (voir ci-dessus), Mme Simone Veil vient d’y ajouter le sien, deux jours à peine avant l’annonce de la création, "si je suis président", comme se plaît à dire le candidat de l’UMP, d’un ministère "de l’Immigration et de l’Identité nationale". Ainsi, les "fautes à pas de chance" s’accumulent, à commencer par le soutien du chanteur populaire Johnny qui, peu de temps après, s’évade en Suisse et voudrait à nouveau prendre la nationalité belge pour des raisons ouvertement fiscales. C’est ensuite l’animateur Pascal Sevran, escaladeur convaincu de la roche de Solutré aux côtés de son ami feu le président Mitterrand, qui vient soutenir le candidat Sarkozy pour se faire remarquer par quelques tirades particulièrement indécentes sur l’Afrique, qui révèlent avec une inculture fondamentale un mépris indéniable pour les peuples condamnés à la misère. Une vidéo (doc-gyneco-pete-les-plombs) montre un autre soutien de M. Sarkozy en train de "partir en live" dans un élan de vulgarité sans nom, peut-être convaincu que son ami ministre de l’Intérieur restera à ce poste pour l’éternité afin de permettre au chanteur Doc Gynéco de tenir le genre de discours mafieux que l’on profère quand on pense faire partie de la bande dominante et que le caïd viendra bientôt soumettre tous les récalcitrants: un discours du genre "racaille". Si M. Sarkozy avait déjà misé sur le "mauvais cheval" en 1995 avec son soutien à Edouard Balladur, la malchance semble ne pas vouloir lâcher prise. A cela s’ajoute le goût prononcé de l’intéressé pour l’effet d’annonce et "la formule qui tue", de sorte qu’aujourd’hui beaucoup de libéraux se détournent de lui, simplement par peur d’un ego surdimensionné toujours à l’affût de reconnaissance et prêt à tout pour rester au pouvoir. On finit alors par lui préférer M. Bayrou, dont la nature plus effacée semble plus propice à la bonne marche des affaires, qu’un vrai libéral devrait placer au-dessus de tout. - Et puis voilà que, fort du soutien de Mme Veil, ancienne déportée dans l’univers concentrationnaire, ministre sous le président Giscard d’Estaing (UDF), à l’origine de la loi qui légalisa l’avortement en France, M. Sarkozy "craque", sans doute sous la pression des sondages qui apportent un crédit phénoménal à la candidature de François Bayrou, certainement son concurrent le plus direct, pour venir "chasser sur le territoire du Front National", comme ne manque pas de titrer la presse. Et Jean-Marie Le Pen ne se prive pas, pour une fois, d’abonder dans le sens des médias. Mme Veil doit être franchement catastrophée de voir le candidat, à qui elle vient tout juste d’apporter une caution pour le moins "antifasciste", se laisser aller à de tels excès. Or, en politique, les chemins sont sans retour. M. Sarkozy ne pourra pas faire marche arrière. Et Mme Veil non plus. Car ce ne serait pas sérieux. Puisqu’on se situe actuellement sur le seul terrain virtuel des effets d’annonce, dont l’électorat pense à juste titre qu’il n’a aucun rapport avec la politique qui sera effectivement menée après l’élection, tout recul ferait immédiatement apparaître la supercherie de cette bataille des formules et des programmes. Cependant, Mme Veil pourrait simplement prendre ses distances, pour des raisons, disons, "’personnelles"...

Devant le tollé général, M. Sarkozy trouvera sans doute un moyen de désamorcer l’annonce explosive d’un "ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale". Mais la tache s’annonce difficile. Cette tendance à l’excès s’était déjà manifestée avec sa formule suspecte du "travail c’est la liberté", prononcée lors de son discours d’investiture (voir ci-dessus, "Arbeit macht frei"), ou encore avec le manichéen "la France, on l’aime ou on la quitte" et, bien sûr, avec le fameux mot de "racaille", qu’il aura ensuite fallu nuancer pour éviter un début de guerre civile dans les banlieues. M. Bayrou n’est pas le seul à noter que cette dernière association en date entre les expressions "immigration" et "identité nationale" visant à définir le cadre d’un nouveau ministère et d’une politique autoritaire semble pour le moins douteuse. Venant d’un enfant d’immigrés hongrois et grecs, dont le père s’était enfui aux États-Unis, cette insistance sur la notion d’identité nationale est révélatrice, d’autant que le discours d’investiture du candidat l’avait fondée sur "deux mille ans de chrétienté" (sic) alors que la France actuelle se distingue surtout par la "rupture" avec l’État traditionnel et ses "autorités théologico-politiques", mise en œuvre par la Révolution Française et la promulgation des Droits de l’Homme. Mais ce qui est plus grave encore pour M. Sarkozy que la "dérive autoritaire" (ou totalitaire) qui lui est reprochée, c’est sa personnalité qui se manifeste plus clairement jour après jour, annonce après annonce et qui, aux yeux d’une partie croissante de l’opinion publique, paraît de moins en moins compatible avec la fonction de président de la République Française, dont on est en droit d’attendre une attitude réfléchie, quelque circonspection et un brin de sérénité...


"Chirac plombe Sarkozy... tout naturellement"
(dimanche 25 mars 2007)

Le soutien du président Chirac à son ministre Sarkozy, accordé "tout naturellement" ce mardi 20 mars 2007, a été amplement commenté par la presse. Quelques jours plus tôt, ses "adieux télévisés" n’avaient pas fourni d’indice sur l’option qu’il allait prendre : les commentateurs avaient prévu que le caractère "solennel" de cette communication présidentielle, présumée ultime, n’autorisait aucune prise de position, par définition "partisane"; avec sa déclaration d’amour pour les Français et la France, émouvante pour les uns, pathétique pour les autres, le président Chirac avait surtout formulé des mises en garde, contre la tentation et la dérive extrémistes par exemple, qui pointeraient leur nez dans l’annonce faite le 8 mars par le candidat Sarkozy d’un "ministère de l’Immigration et de l’identité nationale" (voir ci-dessus), pour insister ensuite sur ses choix de politique étrangère, passant sous silence ses débuts catastrophiques à l’Elysée en 1995 avec sa reprise des essais nucléaires dans le Pacifique Sud, qui lui avaient valu les foudres de l’opinion internationale, et souligner sa résistance contre la politique agressive de l’administration Bush en Irak (mars 2003). 
 
Mais que faut-il donc penser du soutien que le futur ex-président français accorde au candidat choisi par les militants de l’UMP, parti qu’il avait lui-même fondé en 2002 pour asseoir sa (prodigieuse) majorité au second tour (82%) ? - Récemment, on a vu l’humoriste politique Dieudonné apporter, contre toute attente, son soutien à l’altermondialiste José Bové (le 15 janvier) qui, un jour plus tard, réplique: "Je n’en veux pas. Je suis en total désaccord avec les prises de position et les initiatives récentes de Dieudonné. C’est une manœuvre médiatique" (dans le Parisien Libéré du 16/01/07).
 
Pour M. Sarkozy, certains soutiens "people" ont également eu de fâcheuses conséquences (voir ci-dessus). Mais on le voit mal prendre ses distances avec ce "soutien suprême" qui rend pourtant plus difficile (ou moins crédible) son discours de "rupture". Car cette affaire-là marche dans les deux sens : si tu acceptes mon soutien, tu ne peux plus me désavouer...
 
Une autre option du Président de la République était de soutenir François Bayrou, sans doute plus proche de ses idées. Or, comme le candidat centriste n’a aucune chance d’être élu s’il ne maintient pas son projet de "rupture radicale" avec la droite et la gauche "traditionnelles", un tel soutien ne lui aurait pas rendu service, ce que le Président n’est pas sans ignorer, comme il sait certainement que tout soutien qu’il peut aujourd’hui formuler prend la forme d’un couteau à deux lames ou, si l’on préfère, d’un cadeau empoisonné. 
 
Enfin, le président Chirac aurait pu s’abstenir de tout soutien car il prend, malgré tout, un gros risque en misant sur un perdant potentiel, puisque le candidat Sarkozy peut être battu au second tour par M. Bayrou qui, de son côté, n’est pas assuré de passer le premier. Mais cet "abstentionnisme" eût été contre la "nature" de l’animal politique Chirac...
Si, comme beaucoup de commentateurs s’accordent à le penser sans toujours le dire, le soutien officiel (et un peu trop formel pour être crédible) de M. Chirac au candidat choisi par sa "famille politique" constitue l’une des dernières "manœuvres politiques" du président, il faudrait sérieusement se demander en quoi elle consiste, tout en sachant qu’il n’aura pas toujours eu la main heureuse sur ce terrain-là (comme avec sa fameuse "dissolution" de 1997). - Et il faut dire qu’avec ce soutien au ministre Sarkozy, le président Chirac annonce également, avant tout le reste, qu’il accepte sa démission pour le lundi 26 mars, ce qui veut dire que, désormais, certains pourraient impunément faire feu de tout bois sur le simple citoyen Nicolas Sarkozy, cependant que le futur ex-président français continue de tirer encore un peu les ficelles à l’Élysée avant de prendre une retraite politique "méritée" (car "il y a une vie après la politique") pour peut-être s’asseoir au bord de l’eau et voir passer les proverbiales dépouilles de ses ennemis les plus intimes...


Soutenance
(vendredi 6 avril 2007)

Nicolas Sarkozy a l’avantage d’être soutenu par l’ensemble du gouvernement sortant, président de la République et première dame de France compris. Aux yeux de beaucoup de citoyens, il en procède une "crédibilité " qui tient du prestige que l’on associe à l’exercice du pouvoir dans les plus hautes sphères de l’État. Mais cet avantage comporte aussi un inconvénient lié aux échecs de l’équipe sortante, qui risque de faire l’objet de l’un de ces "votes sanction" dont l’électorat français a le secret (2002, 2005). Il s’agit dès lors de savoir si  les arguments pragmatiques et les bonnes paroles de l’équipe au pouvoir visant à justifier un bilan difficile contrebalanceront une sanction électorale prévisible. Or, en considérant les soutiens du candidat Sarkozy, on se demandera surtout si les promesses de "changement" et le fameux argument de "rupture" ont encore un sens.

Ajout (mai 2007) : Pour le premier point traité ci-dessus (le soutien de J. Chirac à N. Sarkozy), l’affaire n’est pas finie. Car même avec la victoire "annoncée" aux Législatives, il faut encore que le nouveau président Sarkozy puisse venir à bout des forces politiques "extra-parlementaires" qui risquent de se manifester avec violence au cours du quinquennat à venir si certaines mesures autoritaires annoncées se heurtent, comme c’est prévisible, à la "grogne" populaire. Dans cette perspective, l’exercice autoritaire du pouvoir risque de laminer Nicolas Sarkozy. - Le second point (le "vote sanction") ne s’est pas confirmé. A droite, on dit que l’erreur de la gauche a été d’y appeler avec trop d’insistance. Mais, une fois encore, ce vote pourrait intervenir plus tard et les "voix" pourraient également se faire entendre d’une tout autre manière...


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