lundi 28 octobre 2019

Thuringe 2019



– 28 octobre 2019 –


Après avoir suivi en 2014 l'élection surprenante d'un ministre-président du Parti de Gauche en Allemagne, je me suis intéressé à cette Landtagswahl 2019 en Thuringe, qui confirme Bodo Ramelow aux affaires avec 31% des voix, mais les mauvais scores du SPD et des Verts (Die Grünen) privent la coalition rouge-rouge-vert sortante de majorité au parlement. Deuxième avec 23,4% des suffrages (résultat définitif), l'AfD double son score par rapport à 2014 et relègue la CDU de Mike Mohring de la première à la troisième place. Puisque personne, a priori, ne veut pactiser avec l'Alternative de Björn Höcke, seules deux coalitions seraient majoritaires au parlement de l’État Libre de Thuringe :
  • Die Linke / SPD / Die Grünen / FDP 
  • Die Linke / CDU
Si la première représente un grand écart entre les libéraux du FDP – qui ont déjà formé des coalitions avec le SPD et les Verts – et le parti de gauche en principe "anti-libéral", la seconde alliance tout aussi "contre-nature" est plus remarquable encore car – trente ans après la chute du mur – elle enjambe symboliquement l'abîme séparant les deux Allemagne en 1990, la RDA passant alors sans transition du SED de Honecker et Krenz à la CDU de Helmut Kohl. Or, après vingt-quatre ans de règne – soit sans partage soit en coalition avec le SPD (1) –, la CDU est remplacée en 2014 – à nouveau sans transition – par la Linke de Bodo Ramelow qui après une première législature confirme sa position dominante ce 27 octobre 2019, ce qui en soi est déjà assez exceptionnel. Mais aux dernières nouvelles, cette coalition Die Linke / CDU, qui serait une autre première absolue en RFA, est déjà refusée catégoriquement par la direction de la CDU, même si Mike Mohring n'a pas encore annulé son rendez-vous informel avec Bodo Ramelow...

dimanche 21 juillet 2019

Racisme, antisémitisme, islamophobie - xénophobie

Quel but ces accusations poursuivent-elles? - En effet, lorsqu'on cherche à discréditer quelqu'un, on le traite de raciste, d'antisémite, d'islamophobe... [1]. Et ça part dans tous les sens: contre Donald Trump, bien sûr, sans se rendre compte que les remarques pour le moins tendancieuses du POTUS sont savamment calculées - naïveté des démocrates américains, qui tombent à chaque fois dans le panneau de la médiatisation 24/7 visée par l'ancien présentateur de Real-TV; ça marche un peu mieux contre Jeremy Corbyn, l'actuel leader des travaillistes britanniques, qui a du mal à défendre ses positions politiques, économiques et sociales dans cette ambiance délétère, déjà minée par le "Brexit Chaos", comme on aime à dire outre-Manche; dernière en date : Nadine Morano, la grande gueule déchue de la droite parlementaire française, qui a été prise en tenaille et laminée par l'extrême-droite d'un côté et le centre droit du Président Macron de l'autre. Le 19 juillet 19 au matin, elle envoie ce message à l'adresse de la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye:
Outrée mais habituée à entendre ses inepties débitées souvent en tenue de cirque... Sénégalaise très bien née ayant obtenu la nationalité Française il y a 3 ans... visiblement avec de grandes lacunes sur la culture française. indigne de cette fonction gouvernementale en France [2]
Sans aucune sympathie pour ce genre d'attaques désobligeantes ad feminem, je constate qu'en formulant l'accusation de "racisme" contre cette polémiste, on est en train de vider de son sens ce mot qui se fonde à l'origine sur le concept de "race", déjà difficile à soutenir sur un plan strictement anthropo-biologique. C'est dire qu'il signifie - comme il a toujours signifié - quelque chose d'autre, qui touche aux mécanismes d'inclusion et d'exclusion propres aux dynamiques des groupes humains que l'on retrouve jusque dans nos cours d'école. Or, quels sont les groupes formées par les soi-disant racistes et antiracistes, antisémites et philosémites, etc.? Mais surtout: comment un groupe humain acquiert-il sa cohérence et sa consistance?

samedi 6 juillet 2019

Signe de vie



L'envie de commenter une actualité de plus en plus chaotique et absurde m'a passé : cela s'explique à la fois par la succession toujours plus rapide d'événements d'une extrême gravité et par la propension humaine à la « compulsion de répétition », qui va de pair avec l'incapacité d'apprendre de ses erreurs et de s'amender devant les catastrophes majeures, passées, actuelles et prévisibles.

Tout le monde s'accorde à dire que nous entrons dans une boucle rétroactive qui accélère et potentialise des phénomènes planétaires comme le réchauffement, la désertification, la montée du niveau des mers. Nous sommes déjà confrontés à la destruction massive des espèces et des espaces naturels, à une migration sans précédent, à l’accentuation des violences de toute sorte, générées par des guerres interminables, une misère sans nom, des formations terroristes et mafieuses, qui éloignent de plus en plus tout espoir de résolution pacifique des nombreux conflits qui ne cessent de diviser des populations chauffées à blanc par les harangues d'idéologues de tous bords, dont la seule motivation est d'arriver ou de se maintenir au pouvoir.

Nos démocraties sont minées par une dictature économique à l'échelle mondiale, dont les maîtres-mots sont le profit et la « croissance » à tout prix, quelles que soient les conséquences sur les populations et l'environnement, et dont le moteur est la « crise » : interminable comme les guerres et les conflits qu'elle engendre, elle crée le terrain favorable à la dégradation des services publics et au détricotage du droit du travail, rendant la main d’œuvre disponible et docile, désintégrant les sociétés et les solidarités nécessaires à toute vie en commun.

dimanche 22 juillet 2018

L'apprenti sorcier


L’homme est imprévisible : il décrète une fin de non-recevoir, puis l’annule ; décide, puis révoque sa décision. L’homme est nerveux, arrogant, égocentrique : le président élu de la première puissance économique et militaire du monde n’a de toute évidence pas été briefé sur les prérequis du job. Or, il se pourrait que certains responsables n’aient pas jugé que ce soit utile : avec un énergumène pareil, ils pensaient plus facilement arriver à leurs fins. Car ceux qui croient encore au côté improvisé de cette présidence devraient rapidement revoir leurs copies. – Dans le reste du monde, les autocrates en fonction ou en herbe sont ravis : voilà quelqu’un qui déstabilise l’Occident et en particulier l’indolente Europe, voilà quelqu’un qui met de gros coups de pied dans la fourmilière, et c’est vrai que ça se met à grouiller dans tous les sens. On le sait bien : la stagnation, ce n’est pas bon pour les affaires. Il faut de l’action, ou plutôt : donner l’impression que ça bouge !

Il semble que désormais, notre monde puisse être déstabilisé par un message de 140 ou 280 signes, expédié par un potentat médiatique sur le réseau planétaire. Si tel est le cas, il n’y a plus qu’un petit pas pour que l’ordre mondial bascule dans le chaos. – Voici donc un pragmatisme aux conséquences imprévisibles, qui résiste à toute analyse : le paradoxe d’un « arbitraire intentionnel » visant le déséquilibre, la perturbation, le désordre. Alors l’idée s’impose qu’une stratégie se cache derrière cette incohérence fondamentale. Par crainte du chaos, on se prend en effet à défendre un ordre hypocrite, basé sur l’exploitation, l’inégalité, la destruction. Et le tour est joué.

mardi 17 juillet 2018

[Billet d'humeur] Le gêne de la connerie



Les absents ont toujours tort. C’est bien connu. Et ceux qui parlent de connerie la mettent en général sur le dos des autres. Or, en pratiquant l'introspection, on s’aperçoit bien vite qu'on dispose soi-même de réserves plus ou moins importantes en la matière. Du moins lorsqu'on est honnête. Ce qui n’est pas toujours le cas. Notamment à un niveau « sérieux » de connerie.

Dans ce contexte, la découverte récente d'une parenté inattendue peut donner à penser : Quand l’homme soi-disant « moderne » passa du Nord-Est de l'Afrique au Moyen-Orient et en Europe pour ensuite coloniser toute la planète, il croisa Néandertal et depuis peu nous savons que le sexe agrémentait ces rencontres. Car il est désormais établi que l’homme présumé « moderne » possède des gênes de Néandertal (Svante Pääbo, Université de Leipzig).

dimanche 8 juillet 2018

Note sur le Mondial 2018

Je n'ai pas vu la cérémonie d'ouverture de la Coupe du Monde de Football 2018...


...ni ce doigt d'honneur que Robbie Williams, venu pousser la chansonnette ce 14 juin au stade Loujniki de Moscou, adresse à la caméra et donc aux centaines de millions de fans devant leurs écrans (un milliard de téléspectateurs estimés pour la finale du Mondial 2014). - Message incertain, du style "quand je montre ma gueule, les imbéciles regardent le doigt".

Mais j'ai suivi le match d'ouverture Russie - Arabie Saoudite (5:0) et ce geste apparemment désolé que Vladimir Poutine adresse - à deux reprises : après le premier et le deuxième but russe - au Prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane...


... et je ne peux m'empêcher d'imaginer cette réponse du tac au tac, tout aussi "bon prince"  :
- Pas de problème, mon frère, nous on est là pour encaisser !

***

Le spectacle mondial de l'affrontement fraternel des nations sportives est donc reparti, alors que les batailles - militaires, économiques, politiques - incendient la planète : un mois de divertissement, de détournement, de communication à propos du "plus bel inessentiel du monde" (qui traduit la définition allemande du foot : die schönste Nebensache der Welt) - éphémère donc... pour oublier l'essentiel...

vendredi 25 mai 2018

Nous sommes cernés !

Après l’avènement de Donald Trump outre-atlantique et le très probable "Brexit" à l'Ouest, l'évolution vers des régimes autoritaires en Pologne et en Hongrie, ainsi que l'état de suspension délétère en Tchéquie à l'Est, sans oublier la situation difficile, virtuellement explosive en Ukraine, deux nouveaux gouvernements potentiellement "eurosceptiques" et certainement "populistes" se mettent en place au Centre et au Sud-Est de l'Union :
  • En Autriche, la coalition entre les conservateurs de l'ÖVP (Österreichische Volkspartei) de Sebastian Kurz (actuel chancelier) et les populistes du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs) de Heinz-Christian Strache (dirigé naguère par Jörg Haider) en décembre 2017.
  • En Italie, le "contrat" entre deux mouvements populistes a priori incompatibles, la Lega Nord réputée d'extrême-droite et le Movimento 5 Stelle (M5S), parti "anti-système" fondé par l'humoriste Beppo Grillo en 2009 qui vient d'imposer Giuseppe Conte à la tête du gouvernement italien (ce 23 mai 2018 > Le Monde) (*)
À cela, il faut ajouter les situations que l'on pourrait qualifier de "pat politique" des deux côtés du Rhin :
  • Lors de l'élection présidentielle française, la débâcle de la droite et de la gauche dites "parlementaires" au premier tour (23 avril 2017) a conduit à une situation comparable à la "catastrophe de 2002" avec la présence de Marine Le Pen au second tour (7 mai 2017). Deux éléments nouveaux cependant : D'une part la candidate du Front National a pu - malgré un désastreux débat télévisé de l'entre-deux-tours - sensiblement augmenter son score du premier tour (7.678.491 voix, soit 21,30 % des suffrages exprimés) en passant à 33,90 % (10,638.475 voix), un "exploit" que son père n'avait pas réussi face à Jacques Chirac en 2002 (17,79 % au second contre 16,86 % au premier tour). - D'autre part, on note la présence d'un "homme nouveau", qui avait certes occupé une fonction ministérielle sous la présidence de François Hollande, mais qui ne "représentait" aucun courant politique traditionnel ou "établi", et dont la candidature, puis l'accession au second tour, étaient déjà l'expression d'une désorientation considérable de l'électorat français après le désistement du Président Hollande et l'éclatement du Parti Socialiste, qui est également dû à la montée de l'extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon, et après les déboires de François Fillon, candidat des "Républicains" (Ex-UMP), qui a contribué à l'effondrement de ce parti de la droite parlementaire, si bien établi en France depuis la constitution de la 5e République en 1958.
  • L'élection du Bundestag allemand (24 septembre 2017) a également donné lieu à une situation inédite. La Grande Coalition sortante ("Große Koalition", "GroKo") entre les sociaux-démocrates (SPD) de Sigmar Gabriel et l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel avait clairement régressé (le SPD passant de 193 sièges en 2013 à 153 en 2017 et l'Union de 311 à 246 sièges, la "GroKo" ne réunissant donc plus que 53,4% des voix contre 67,2% en 2013). De plus, l'AfD (Alternative für Deutschland), parti populiste de droite voire d'extrême-droite, fait une entrée fracassante au parlement allemand avec 94 sièges sur 709 (soit 13,3%). Sous la conduite éphémère de Martin Schulz, le SPD refuse une nouvelle "GroKo" après l'échec de septembre 2017, et une coalition entre Les Verts, les Libéraux du FDP (qui fait également son retour au Bundestag) et la CDU est discutée pendant de longs mois pour finalement être mise en échec par la "sortie" de Christian Lindner (FDP). Dans la foulée, le Président fédéral Frank-Walter Steinmeier lance un appel aux chefs de parti afin d'éviter de nouvelles élections ; Martin Schulz abandonne alors la direction du SPD, et un nouveau contrat de "Grande Coalition" est négocié puis voté par la base du SPD et de la CDU / CSU (le "parti frère" de la CDU en Bavière). Après une période de "pat politique", l'Allemagne fédérale retrouve donc un gouvernement le 14 mars 2018 - soit tout de même presque 6 mois après l'élection du Bundestag ! - avec la réélection peu enthousiasmante d'Angela Merkel au poste de Chancelière fédérale (364 voix favorables sur 688 exprimées).

mardi 27 mars 2018

Un billet pour rien (fin mars 2018)

J'ai déjà utilisé ce titre pour un blog sur L'Obs ("bad good old times"). Ce désenchantement tient à la fois de l'entropie et donc de l'invisibilité croissantes sur les réseaux et - conséquence ultime de l'entropie - du tarissement de la parole. Or, j'écris : à force de la pratiquer, l'écriture est devenue un moyen d'expression per se, qui réclame son dû même si l'on a rien à dire, ce qui d'ailleurs se constate un peu partout. Ce n'est pas qu'on n'a pas envie de parler de l'essentiel, c'est l'existentiel qui nous accapare entièrement.

News

L'Allemagne a donc un gouvernement. La belle affaire. On a passé des semaines, des mois, des tonneaux d'encre sur le sujet. Qu'est-ce qui reste à dire dans la logorrhée ambiante : que Merkel succède à Merkel ? - Et l'affaire de Trèbes au carrefour du Minervois ? Honneur au représentant de l'ordre : un héros contemporain. Mais les héros sont légion dans l'histoire humaine, ce qui n'enlève rien, bien sûr, à l'acte héroïque de cet officier. Or, paradoxalement, l'autre aussi est considéré comme un héros : par les "siens", ceux qui l'ont embrigadé, ce Carcassonnais paumé entre les quartiers pourris du centre ville et la belle Cité. - Et la guerre commerciale qui apparemment s'annonce : est-ce encore l'un des emberlificotages chers au "real Trump" ? - Sans oublier que Poutine succède à Poutine. Et Sissi à Sissi... 

Les news nous harcèlent de toutes parts, font parler, "couler de l'encre". Et il n'y a pas que la politique et l'économie. Il y a aussi les faits divers et les sports. J'aurais dû être pigiste pour L'Équipe, journal extrêmement bien écrit, j'aurais au moins appris quelque chose. Mais je n'écris pas seulement dans l'anonymat, j'aigris dans les regrets aussi. La pire des choses qui puisse arriver au scribaillon : l'aigriture !

Le Salon du Livre

Soyons donc optimistes et allons de l'avant puisque le futur nous appelle, à en croire ingénieurs, chercheurs, développeurs et publicitaires. Mais je me souviens maintenant : je voulais parler du Salon du Livre de Paris. Comparé à Francfort, il périclite sérieusement. Les Russes étaient à l'honneur cette année. Mais le groupe Hachette (Fayard, Grasset, Stock...) ou L'Archipel et d'autres n'exposent plus, et les indépendants ne sont pas regroupés comme à Francfort, ils sont d'ailleurs les premiers à s'en plaindre, même si certains n'ont pas encore pris conscience des avantages pour le visiteur et donc pour l'exposant. En plus ce serait peut-être moins cher au prix de groupe...

Le marché du livre est une énorme machine, extrêmement sophistiquée, à multiples niveaux et plate-formes, dont à Francfort le salon des agents fermé au public. Et les rendez-vous des responsables des Foreign Rights y sont pris à l'avance et d'une durée maximale de 15 minutes pour le tout-venant. Il y a également les stars qui, comme dans les autres disciplines, ne méritent pas forcément leur place. Sur le plan strictement littéraire, s'entend. D'autres y excellent incontestablement. Et il y a les spécialistes qui présentent en direct les bouquins aux médias et en particulier à la TV, comme Denis Scheck en Allemagne.


La partie émergée de cette affaire ce sont les listes de best-sellers, les hit-parades des bouquins. Parfois ce ne sont pas les plus connus qui vendent le mieux : le marché des thrillers par exemple est énorme. Et gore à souhait : ça vous amène dans les profondeurs cauchemardesques de l'esprit humain, et il paraît que les meufs plus encore que les mecs sont fanas de ce genre...

La démocratie sous influence

Mais pour revenir aux "informations" :  le scandale des Big Data de Facebook via Cambridge Analytica semble également s'étendre à l'influence considérable sur le vote du Brexit que l'utilisation frauduleuse (sans consentement) des données personnelles a pu exercer en faveur du leave, selon un certain Christopher Wylie, whistleblower de son état. Il s'agit - aux USA et en UK - du contraire de l'information : la fameuse "fake news" chère à Trump, ou la "désinformation" en termes plus classiques. Or ce n'est que la moitié du menu : l'autre est servie par les "influenceurs", créateurs de tendances et d'opinions (publiques), qui travaillent ici sur la politique comme on travaille la pub d'une marque : à coups de "préparation de cervelle" (P. LeLay 2004) ! - Si les informations de Christopher Wylie, ancien Directeur de Recherches à Cambridge Analytica, données le 26 mars 2018 dans une interview à Libération (*), puis ce 27 mars 2018 devant les Législateurs du Royaume-Uni (UK Lawmakers - vidéo ci-dessous en anglais) correspondent aux faits, les conséquences seraient extrêmement graves pour la crédibilité et la pertinence d'un référendum populaire comme le vote du Brexit, qui se jouait à 2 pourcents avec une participation de 72,2% ...

(*) Voici un extrait significatif de l'interview donné entre autres à Libération (ainsi qu'à Die Welt, Der Spiegel, El País, NRC, Polska, le Monde) > "Sans Cambridge Analytica, il n'y aurait pas eu de Brexit"
Q. - Est-ce que le vote en faveur du Brexit aurait eu lieu sans Cambridge Analytica ?

C.W. - Non, ils ont joué un rôle crucial, j’en suis sûr. Il y a deux aspects dans le scandale. D’une part, Cambridge Analytica a admis la semaine dernière avoir effectivement travaillé avec le groupe de campagne «Leave.EU». L’autre aspect, c’est que AggregateIQ [une entreprise canadienne issue de Cambridge Analytica, ndlr] a aussi travaillé avec Cambridge Analytica sur un système qui a permis à Leave.EU de dépasser son plafond de dépenses, et d’utiliser près d’un million de livres pour cibler la population. Sans AggregateIQ, le camp du «Leave» n’aurait pas pu gagner le référendum, qui s’est joué à moins de 2% des votes. Or, 40% du budget de «Vote Leave» est allé à AggregateIQ, c’est beaucoup. Cette entreprise a joué un rôle pivot dans le référendum. Elle a travaillé main dans la main avec Cambridge Analytica. Si vous ciblez un petit nombre spécifique de personnes avec des milliards de publicité, cela peut suffire à gagner suffisamment d’électeurs.

Q. - Cela pourrait, mais ce n’est pas sûr ? Qui peut dire que cela a vraiment fait basculer le vote sur le Brexit ?

C.W. - Mais tout est là. Ce vote est terriblement important pour ce pays, pour l’Europe. Les électeurs doivent avoir confiance dans leurs institutions démocratiques. Tricher, c’est tricher. C’est comme avec un médaillé d’or aux Jeux olympiques qui perd son titre après un contrôle antidopage positif : qui peut dire qu’il n’aurait pas gagné la médaille d’or sans se doper ? Personne. Mais la médaille lui est retirée, parce qu’il a triché. Parce que cela remet en question l’intégrité de tout le processus. Ce que je dis, c’est qu’il s’agit ici de l’intégrité du processus. Il doit y avoir une enquête sur tout le processus du référendum. Il ne s’agit pas d’une petite élection locale, il s’agit de l’avenir du pays.


[à suivre]


mercredi 7 février 2018

Les grocolis


 Les grocolis

Depuis l'élection fédérale du 24 septembre 2017, quatre mois et deux semaines se sont écoulés sans que les partis soient à même de constituer un gouvernement, mais ce 7 février 2018 un accord entre l'Union de Maman Merkel (CDU/CSU) et le SPD de Papa Schulz est enfin intervenu. On est prêt à signer le contrat de coalition lorsqu'un dernier détail sera réglé : le vote de la base social-démocrate - c'est-à-dire des 463.723 adhérents du SPD - dont l'organisation réclame trois semaines supplémentaires. - C'est donc vers la fin février que l'Allemagne passera du pareil au même - d'une GroKo à l'autre - après cinq mois de flottement et de "gouvernement par intérim"...

En Allemagne, on ne se demande plus pour qui mais pourquoi voter et surtout : pourquoi tout ce tremblement, flottement, toutes ces incertitudes, turpitudes, ce "gouvernement par intérim" qui traduit cette belle expression iconoclaste de "geschäftsführende Regierung", simple "gestion intérimaire" où le ministre "sortant" de l'Agriculture (CSU) se permet tout de même de voter en faveur du glyphosate au parlement européen sans consulter le Bundestag fraîchement élu - oui, pourquoi tout ce remue-ménage, cette excitation, cette exaltation pour finalement faire du sur-place ou, comme qui dirait, pédaler dans la semoule ?

Mais que s'est-il passé au juste ? 3/4 des inscrits sont allés voter le 24 septembre pour accorder sur les 709 sièges du Bundestag  [entre crochets les résultats de 2013, le parlement comptant alors 631 sièges] :  246 [311] à l'Union - 153 [193] au SPD - 69 [64] à Die Linke - 67 [63] aux Verts - 80 [0] au FDP - 94[0] à l'AfD. - On voit que les électeurs ont sanctionné la GroKo sortante, le SPD obtient son plus mauvais résultat d'après-guerre, l'Union baisse également, les partis de gauche (Linke/Verts) gagnent quelques sièges et les autres entrent - à nouveau (FDP) ou pour la première fois (AfD) - en fanfare au parlement. - Pour les analystes politiques, le message est clair, même si l'on peut y déceler un sfumato fondamental, car si l'entrée des populistes au Bundestag constitue une nouveauté et pour beaucoup un scandale, elle ne participe finalement que d'un mouvement général venu d'Europe de l'Est, et en effet l'AfD est beaucoup plus forte dans les anciennes régions de RDA, avec une mention spéciale pour la Saxe, l'ancienne "vallée des ignorants" (parce qu'on n'y recevait pas la télé de l'Ouest). Mais le mouvement commence à essaimer, et avec les évolutions en Pologne, en Tchéquie et en Hongrie, la nouvelle coalition ÖVP/FPÖ en Autriche et le score du FN en France (tout de même 33,9% il y a moins d'un an) montrent qu'à l'ère de la mondialisation et d'une "construction européenne" sans fin et sans volonté politique, le nationalisme "pur et dur" fait un remarquable come-back sur la scène inter-nationale. -  L'autre versant de cette affaire, qui la rend encore plus floue, c'est le consensus mou qui règne au centre avec les Grocolis allemands et les - hum ! - Macarons français, que personne n'aime vraiment mais que la majorité -  par son "vote utile" ou "anti-extrémiste" - ne cesse de confirmer au pouvoir...

10 février

Le vote des  adhérents du SPD aura donc lieu du 26 février au 2 mars, et le résultat sera connu le dimanche 4 mars. En attendant, Papa Schulz jette l'éponge : après avoir renoncé à la présidence du SPD au bénéfice d'Andrea Nahles ("Martin s'est sacrifié"), il renonce à présent à un poste ministériel dans un nouveau gouvernement Merkel, en affirmant que "le débat autour de ma personne" ne devait pas influencer négativement le vote des adhérents.  C'est donc ainsi que se conclut apparemment l'incursion de l'Européen Schulz en politique nationale. - Pourtant, en janvier 2017, sa désignation à l'unanimité comme candidat SPD à la chancellerie puis, en mars, son élection comme chef du parti social-démocrate allemand avec 100% (!) des suffrages ont  permis tous les espoirs : le libraire rhénan de condition modeste qui avait fait son chemin jusqu'à la présidence de la Commission UE faisait le poids face à une Maman Merkel affaiblie par sa "politique de bienvenue" de 2015 ("Nous y arriverons !"). Du coup, le baromètre des sondages taquinait les 30%, voire plus, et la chute ne pouvait être que plus dure : après les trois élections "régionales" ("Landtagswahlen") perdues, la météo politique prévoyait du gros temps, et en effet, avec environ 1/5 des voix exprimées en septembre 2018, le SPD - ce grand parti qui avait contraint Bismarck a introduire les premières lois de protection sociale au monde, puis fourni, avec Friedrich Ebert, le premier président de la république de Weimar et, avec Willy Brandt, l'un des chanceliers les plus charismatiques de l'après-guerre - était réduit au rang de second couteau. Et comme si ce n'était pas suffisant, Martin Schulz commet sa plus grande erreur en déclarant qu'il choisit l'opposition et qu'il n'est pas question de former une nouvelle grande coalition sous la direction de la chancelière sortante. La suite est connue...

Andrea Nahles (*1970), photo : FAZ


[en cours]