France
2007
Le vif du sujet
Le vif du sujet
commencé
le samedi, 18 novembre 2006
C’est
donc Ségolène Royal, élue à plus de 60% par les adhérents du PS,
qui affrontera le probable candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy, dans
la course à l’Élysée. Ce dernier s’en félicite. Depuis le
début, il voulait cet affrontement (0). Peut-être sait-il quelque
chose que nous ne savons pas, quelque chose que, cependant, nous ne
manquerons pas de savoir au cours de ces prochains mois. On se
souvient des affaires qui ont jalonné les affrontements du passé,
comme l’affaire Gordji (1) qui pimenta le face à face télévisé
entre François Mitterrand et Jacques Chirac en 1988 (2). Et lors des
présidentielles de 1995, où le Président Chirac avait un rival à
droite en la personne de son Premier ministre Édouard Balladur,
c’était l’affaire des HLM des Hauts-de-Seine (3) instruite par
Éric Halphen et des écoutes téléphoniques menées par Matignon,
qui déstabilisa Balladur, assurant la présence au second tour
de Chirac et donc sa victoire finale sur Lionel Jospin. Enfin, en
2002, comme nous l’avons remarqué, c’était une sordide série
de faits divers (4), montés en épingle par tous les médias
français peu avant le scrutin, qui remit à la Une le "problème
de l’insécurité", le cheval de bataille de Jean-Marie Le
Pen, présent contre toute attente au second tour avec pour effet de
mettre hors course Lionel Jospin, le principal rival du Président
Chirac, qui aurait peut-être triomphé cette année-là.
Par
les temps qui courent, point d’affaire sans médias. Et Internet en
est devenu l’un des principaux fournisseurs. Dernière en date,
l’aparté de Ségolène Royal sur les enseignants vu à ce jour
quelque 20.000 fois sur Google et quelque 10.000 fois sur
YouTube, mais plus de 650.000 fois sur Dailymotion
(toutes vidéos confondues). C’est déjà la deuxième fois que
Ségolène Royal provoque les foudres de l’opinion publique, après
sa tirade à résonance populiste sur les mesures draconiennes qu’il
faudrait prendre à l’encontre des délinquants mineurs, propos
encore en ligne dans Le Figaro (du 1/06/06). La vulnérabilité qui
procède de ce genre de déclarations plus ou moins "spontanées",
en tout cas non mesurées, n’aura pas échappée à Nicolas
Sarkozy. Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn avaient déjà
leurs casseroles, l’un avec l’affaire dite du "sang
contaminé" (5), l’autre avec l’affaire Méry (6). Ce qui
les aura rendu prudents, ces "Éléphants du PS", comme on
les appelle sans grande tendresse. Quant à Ségolène Royal, ce sont
pour l’instant ses frères par qui le "scandale" risque
d’arriver, l’un étant soupçonné d’escroquerie (7) et l’autre
du posage de la bombe qui fit couler le bateau de Greenpeace à
Auckland en 1985 (8), comme le rapporte par exemple Le Nouvel
Observateur (du 29/09/06). Ou bien, si les frères ne font pas
l’affaire, l’opinion avide d’informations "personnelles",
- toujours dérisoires face à l’enjeu colossal que représente une
élection présidentielle, - va-t-elle découvrir un épisode trouble
dans le passé de Ségolène Royal, une infidélité dans le couple
Royal-Hollande (remake)? Et ces informations aussi dérisoires que
médiatiquement performantes sont-elles déjà dans la manche des
prestidigitateurs du camp adverse?
Ensuite,
que nous réserve l’actualité de ces prochains mois? Quels ’faits
divers" alimenteront la campagne pour l’orienter dans un sens
ou dans un autre? Insécurité (remake)? Révoltes en banlieue?
Attentat terroriste? Et sur le plan économique? Quels chiffres
arriveront sur le tapis? Chômage? Pouvoir d’achat? Gageons que
l’on n’aura pas chômé sur le sujet dans les divers QG de
campagne. Et la situation internationale alors? Quels conflits
mondiaux sont susceptibles de troubler cette élection somme toute
"régionale" à l’échelle planétaire et la quiétude
des "régionaux de l’étape" avec leurs poussives
rengaines sur "l’état de la France"? Quelles seraient
les réactions des ténors et, notamment, du chef de l’État
Français si, en pleine campagne électorale, le pays était
confronté à une crise internationale majeure, comme elle pourrait
se produire en Palestine, en Irak, en Iran, ou en Corée du Nord,
pour ne citer que quelques poudrières? Enfin, la "crise
mondiale", qui se solde par la paupérisation croissante des
populations avec l’enrichissement sourd, aveugle et absurde de
quelques-uns, n’a pas dit son dernier mot. Elle pourrait prendre
des proportions aussi ingérables que la destruction massive de
l’environnement, qui se poursuit inexorablement sans qu’aucune
mesure coercitive sérieuse ne soit prise, promettant de déboucher,
lentement mais sûrement, sur une catastrophe globale face à
laquelle l’Apocalypse dépeinte par l’évangéliste Jean
ressemblerait à une idylle bucolique. - C’est à ce point que l’on
risque de nous prier de revenir à nos moutons. Et l’on n’aura
pas tort, car une crise économique mondiale, une destruction massive
de l’environnement ou un conflit international majeur ne valent pas
bien cher contre les possibles activités douteuses des frères Royal
ou les frasques amoureuses de Mme Sarkozy.
***
Que
le "peuple de gauche" n’ait absolument pas retenu la
leçon de 2002, cela n’est que trop évident par la constitution et
les déclarations d’un "collectif d’initiative national pour
un rassemblement antilibéral de gauche". Comme le précise le
journal Libération du 20/11/06: "Lundi matin, les porte-parole
de la gauche de la gauche ont de nouveau critiqué la «droitisation»
du PS avec l’investiture de Ségolène Royal. Mais ne savent
toujours pas sous quelle bannière se ranger pour la course à
l’Élysée." (9) - De même, Jean-Pierre Chevènement (5,33%
des voix en 2002 quand il manquait 0,68% à Lionel Jospin pour
accéder au second tour) estime, dans un entretien accordé après
l’investiture de Ségolène Royal (à Libération, le 18/11/06),
que sa "candidature se justifie toujours". Dans le camp
adverse, on ne le contredira certainement pas. - C’est vrai que le
temps du "Programme Commun" et l’euphorie de mai 1981
sont loin. Mais il semble surtout que la scission entre la "droite"
et la "gauche", qui date de la Révolution Française, est
aujourd’hui révolue. L’actuelle seconde "Grande Coalition"
en Allemagne (la première ayant eu lieu en 1966), mais aussi les
diverses expériences de "cohabitation" en France depuis
vingt ans ou le pat politique de G. W. Bush, qui entraînera
également une forme de cohabitation aux USA après la récente
victoire des Démocrates, montrent que l’apparente hostilité ou
"incompatibilité" entre droite et gauche est tout à fait
surmontable alors qu’un fossé de plus en plus grand se creuse
entre ce qu’il faut appeler la "social-démocratie", qui
ne remet pas fondamentalement en cause le système libéral, et une
gauche radicale qui se proclame "anticapitaliste" et
"altermondialiste". En France, le référendum du 29 mai
2005 sur la Constitution européenne a occasionné d’un côté une
alliance entre une grande partie de la droite au pouvoir (conduite
par le Président Chirac, ardent défenseur du "oui") et
une bonne partie de la gauche ("social-démocrate"), de
l’autre une scission à l’intérieur même du Parti Socialiste et
de la gauche en général provoquée par les partisans affirmés du
"non" comme Laurent Fabius, qui n’hésitèrent pas à
fustiger leurs camarades favorables au "oui". Le bloc du
"non", qui l’aura finalement emporté avec 54,68% des
voix (et 30,66% d’abstentions), comprenait également, outre les
"Fabusiens" du PS, les "Chevènementistes", les
communistes et l’extrême gauche, les électeurs d’extrême
droite fédérés par Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers. Ce
qui n’avait interpellé que très moyennement ceux de gauche qui
crièrent victoire. A l’époque, le débat était en grande partie
accaparé par la "directive Bolkestein", symbole d’une
Europe "ultra-libérale" dont on ne voulait pas.
Aujourd’hui, et plus précisément le 15 novembre 2006, cette
directive a néanmoins été adoptée en deuxième lecture par le
parlement européen dans une version certes "édulcorée",
comme le précise L’Express (15/11/06). Cette évolution tend
à montrer qu’en politique les effets sont souvent pervers, en tout
cas loin des attentes ou des changements escomptés. Ainsi, le non
français à la Constitution, en bonne partie motivé par le désir
d’une "Europe sociale", n’a pas empêché la directive
contestée sur les services de faire son chemin et le franc succès
des "antilibéraux" au premier tour en 2002 a eu pour effet
le blocage de la démocratie au second, puis le plébiscite d’une
gouvernance "ultra-libérale" pour les cinq années
suivantes. Alors, même si sur le fond on peut partager ses idées,
la naïveté politique de "la gauche de la gauche" reste
consternante, aussi bien en France qu’en Allemagne.
conclusion
provisoire
Il
y a aujourd’hui (6/12/06) environ un million (1.113.000) d’entrées
sur le moteur de recherche Google pour l’expression
"présidentielles 2007". Et sans les guillemets, il y
en a trois millions et demi (3.590.000). Alors on se demande si ça
vaut encore la peine d’y ajouter son grain de sel. La difficulté
consiste ici à ne pas se tromper car, contrairement au journaliste
professionnel dont le papier, sauf exceptions remarquables, sera
oublié plus vite qu’il ne sera lu, un anonyme ne peut qu’espérer
être lu un peu plus tard, quand toute cette agitation se sera
calmée, et elle se calme toujours (environ 75.600 entrées pour
"présidentielles 2002"). Or, pour l’heure, on n’est
sûr de rien. Car ce n’est pas encore le moment, pour les uns et
les autres, de dévoiler leurs atouts. Alors on attend la dinde et le
père Noël, sans allusions personnelles. Et on commence à
relativiser...
sondage
Selon
Reuters (6/12/06), "Nicolas Sarkozy reprend l’avantage sur
Ségolène Royal avec 51% des intentions de vote au second tour de
l’élection présidentielle, contre 49%, selon un sondage Ipsos à
paraître jeudi dans l’hebdomadaire Le Point.- Lors de la
précédente enquête publiée le 15 novembre, le président de l’UMP
et la candidate socialiste recueillaient chacun 50%, un résultat
identique à celui du mois d’octobre." - La conclusion
ci-dessus s’applique également aux sondages qui, s’ils
s’oublient vite, ont pourtant, comme les observations ponctuelles
des journalistes, une influence rétroactive et parfois déterminante
sur l’opinion publique. Il est donc important de les consigner ici
pour une possible analyse future.
notes
– références
(0)
Le 13/11/06 en visite à Alger, le ministre de l’Intérieur déclare
déjà: "Ségolène Royal me protège depuis plusieurs mois
(...) Si c’est Ségolène Royal, c’est tout bénéfice."
(AFP). Dans cet entretien "off" avec les journalistes à
l’ambassade de France, Nicolas Sarkozy dit également que Ségolène
Royal "montrera bientôt sa vraie nature", qu’elle est
"irascible".
(2)
L’INA a mis en ligne ce passage du face à face du 24 avril 1988
entre le Président Mitterrand et son Premier ministre Chirac.
a)
Le "drame
d’Évreux"
du 8 mars 2002 retracé sur RTL (1/10/04) à l’occasion du
procès.>>> Sur son site, le politicien d’extrême droite
Bruno Mégret avait réagi le 13 mars 2002 avec le communiqué
suivant : "Drame
d’Évreux : le vrai coupable, c’est Jospin"
"Bruno
Mégret, père de famille lui-même, s’associe à l’extrême
douleur des proches de Patrice Bègue, battu à mort à Évreux pour
avoir voulu défendre son fils contre le racket. Ce drame n’est
aucunement un fait divers mais l’aboutissement de nombreuses années
de complaisance de la classe politique à l’égard des voyous. Les
vrais coupables, ce sont donc M. Jospin et ses prédécesseurs de
droite qui doivent être sanctionnés aux prochaines élections.
Bruno Mégret appelle les Français à ne plus faire confiance à
cette classe politique, coupable de non-assistance à peuple en
danger. Il devient impératif de remettre de l’ordre en France."
(source: bruno-megret.com )
b)
La "tuerie de Nanterre" du 27 mars 2002 rapportée
par l’Humanité du 6 avril 2002
c)
Enfin et surtout l’agression de "Papy Voise" le 18
avril 2002, rapportée par Le Nouvel Observateur à l’occasion du
procès d’un agresseur présumé, qui aura d’ailleurs bénéficié
d’un non-lieu..
(Rappelons
que le 1er tour des Présidentielles 2002 eut lieu le 21 avril.)
(9)
Le collectif s’organise autour de Marie-Georges Buffet (PCF),
Olivier Besancenot (LCR), Noël Mamère (Les Verts), Arlette
Laguiller (LO) que l’on voit ici réunis en septembre 2006 à
Cachan. D’autres, comme l’altermondialiste José Bové
(ex-porte-parole de la Confédération Paysanne), s’ajoutent
naturellement à cette liste de personnalités politiques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire