dimanche 8 juillet 2018

Note sur le Mondial 2018

Je n'ai pas vu la cérémonie d'ouverture de la Coupe du Monde de Football 2018...


...ni ce doigt d'honneur que Robbie Williams, venu pousser la chansonnette ce 14 juin au stade Loujniki de Moscou, adresse à la caméra et donc aux centaines de millions de fans devant leurs écrans (un milliard de téléspectateurs estimés pour la finale du Mondial 2014). - Message incertain, du style "quand je montre ma gueule, les imbéciles regardent le doigt".

Mais j'ai suivi le match d'ouverture Russie - Arabie Saoudite (5:0) et ce geste apparemment désolé que Vladimir Poutine adresse - à deux reprises : après le premier et le deuxième but russe - au Prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane...


... et je ne peux m'empêcher d'imaginer cette réponse du tac au tac, tout aussi "bon prince"  :
- Pas de problème, mon frère, nous on est là pour encaisser !

***

Le spectacle mondial de l'affrontement fraternel des nations sportives est donc reparti, alors que les batailles - militaires, économiques, politiques - incendient la planète : un mois de divertissement, de détournement, de communication à propos du "plus bel inessentiel du monde" (qui traduit la définition allemande du foot : die schönste Nebensache der Welt) - éphémère donc... pour oublier l'essentiel...

Mexique - Allemagne 1:0
(17/6/2018)


Après le match nul surprenant (1:1) des Islandais contre les Argentins de Lionel Messi, voici la deuxième grande surprise de ce Mondial russe : soutenue par leur génial gardien Otchoa, la bonne ligne de défense mexicaine a résisté aux assauts des champions du monde en seconde mi-temps et permis à la Tricolor de conserver le petit but d'avance marqué par Lozano à la 35e minute. - Soupe à la grimace au pays de la bière et de la viande en sauce : aucun pétard n'a retenti dans les rues de Berlin, ni concert de klaxons ni défilé de bagnoles aux drapeaux noir-rouge-or ; la fan-zone de la porte de Brandebourg s'est vidée d'un coup, et seuls quelques sombreros ont volé dans le ciel bleu prussien. - Soudain, l'arrogance que l'on reproche bien souvent aux Allemands - et pas seulement sur le plan sportif - a fait place à une humilité de circonstance. Pourvu que ça dure !


Allemagne - Corée du Sud 0:2
Mexique - Suède 0:3
(23/6/2018)

Nouvelle surprise, et de taille : pour la première fois, la Mannschaft est éliminée d'une coupe du monde dès la phase de groupe. Ayant une obligation en ville, je n'ai pu voir que la première mi-temps avec une équipe allemande dominante mais stérile et des Coréens combatifs. Il paraît que s’il atteignait les huitièmes, la star Son Heung-min (26 ans) se verrait dispensé de service militaire, qui dure tout de même deux ans et demi en Corée – et mettrait un sérieux frein à la carrière de ce joueur d’exception ; or, même si cet objectif n’a pu être réalisé, il est permis de penser que la belle prestation des p'tits gars en rouge contre le champion du monde en titre va suffire à exempter Son.

Son Heung-min manque de peu le 1er but coréen dès la 19e minute
Photo : Der Spiegel

Comme prévu : nouvelle soupe à la grimace à Berlin. Devant un bureau de paris, les bookmakers affichent de l’écœurement et une mère crie à son gamin : "Ils auraient pu leur en mettre cinq, mais ils étaient..." (les cloches de six heures avalent la fin de la phrase). En passant, je constate que beaucoup de drapeaux noir-rouge-or ont disparu des fenêtres. - C'est ce qu'on appelle "la magie du football", les revirements de dernière minute, comme ce but de Toni Kroos pendant le temps additionnel au tour précédent de ce groupe F, qui avait signé la victoire de l'Allemagne contre la Suède (2:1) et redonné espoir à la Mannschaft après la défaite contre le Mexique. Et puis le réveil foudroyant et totalement imprévu de la Suède : trois buts contre la solide équipe des Tricolors et son portier Otchoa. La magie opère dans tous les sens : "Deutschland ist raus". Et la presse internationale "jubile" (ici). Même le médiatique professeur Mélenchon nous explique dans un tweet le sens du mot allemand Schadenfreude (assez intraduisible au demeurant) :  « joie à propos du malheur des autres ».  Pour ajouter ces paroles un peu confuses : "Comment ai-je pu vivre sans le foot ? Merci l'OM !" - L'auto-justification d'un parachuté cynique qui découvre les vertus électorales du ballon rond ?

Voici donc le tableau final du groupe F


Et celui des huitièmes de finale


Je constate que sur ces huit matches, seul celui des Bleus est retransmis à la TV française d'accès libre, et encore sur une chaîne privée (TF1), alors que la télé publique allemande (ARD et ZDF) diffuse tous les matches sans exception. On pourra certes regarder les rencontres au bistrot du coin, mais pour les mondial-parties privées il faut désormais s'abonner à BeIn Sports (Qatar). Après le récent abandon par Canal+ des matches du championnat français, dont les droits de diffusion ne sont plus à la portée de la chaîne cryptée (1,15 milliard d'euros par an pour la période 2020-2024), et leur récupération par le groupe espagnol Mediapro, il ne restera au couch-potato fauché qu'à se recycler dans le cyclisme, s'atteler à l'athlétisme et s'endormir devant le tennis pour oublier les "vingt-deux millionnaires qui courent après un ballon". - À ce propos, j'aurais un conseil à donner aux responsables de la TV publique française si l'initiative n'est pas déjà prise : diffuser des matches de 2e et 3e division, c'est pas (trop) cher et ça changera un peu du foot à fric. Sans oublier les rencontres de ces dames dont certaines sont également très belles à regarder !


Bilan #1
(4/7/2018)

Deux ou trois nouvelles surprises dans ces huitièmes : la sortie de l'Argentine de Messi par la France de la révélation Mbappé (3:4), celles du Portugal de Ronaldo par l'Uruguay de Cavani (1:2) et de l'Espagne d'Iniesta par la Russie d'Akinfeev, qui s'impose aux penalties. Deux autres victoires décidées par les tirs au but : la Croatie de Subašić sur le Danemark de Schmeichel jr.et l'Angleterre de Pickford sur la Colombie d'Ospina. Deux résultats prévisibles avec la défaite de dernière minute du Japon face aux Diables Rouges (2:3 après avoir mené 2:0) et celle du Mexique contre le Brésil de Neymar (0:2). Enfin la victoire étriquée des Suédois sans Ibrahimović sur la Suisse (1:0).

Peu d'excellents matches cependant. France-Argentine sûrement, Brésil-Mexique aussi. À moins d'une nouvelle surprise, ces deux vainqueurs vont sans doute passer les quarts et se rencontrer en demi-finale.


Le bas du tableau est plus ouvert, les quatre équipes ont une chance d'aller en demie. La Russie se surpasse devant son public mais la Croatie risque de se réveiller après son match poussif en huitième et sa belle prestation en phase de poules. La Suède et l'Angleterre ne lâcheront rien : c'est à celui qui craque en premier, ensuite tout est possible...


Bilan #2
(7/7/2018)

Je reconnais que mes jugements et pronostics ne sont pas toujours pertinents. Didier Deschamps a réuni un collectif solide sans Benzema et Ribéry (ou encore Nasri et Payet, blessé), Mbappé ayant été la révélation de ce nouvel onze de France, tandis que Griezmann a paru un peu épuisé lors de cette victoire (2:0) sur l'Uruguay privé de Cavani et n'a pu marquer le second but de la partie que sur une erreur assez spectaculaire du gardien Musler. Pour s'imposer contre la Belgique, surprenant vainqueur de la Seleçao (2:1), qui a été privée d'un penalty à la 55e minute (l'arbitre Felix Zwayer n'ayant apparemment pas interprété correctement la séquence vidéo), les Bleus devront retrouver leur excellente forme des huitièmes.


Si les Three Lions ont logiquement battu la courageuse équipe suédoise (2:0) pour revenir enfin au plus haut niveau, la victoire croate sur les Russes, largement soutenus par le public enthousiaste du stade olympique de Sotchi, ne s'est décidée qu'aux penalties après une partie peu intéressante sur le plan sportif, mais d'autant plus dramatique : 1:1 après le temps réglementaire, 2:2 à l'issue des prolongations, puis l'épreuve toujours spectaculaire des tirs au but où les Croates ont fait preuve de plus de sang froid et de métier.

En demi-finale, tout est possible. Français et Croates partent certes légèrement favoris, mais les Tricolores doivent se présenter sous leur meilleur jour pour vaincre des Diables Rouges remontés à bloc : si les deux équipes misent sur l'offensive au lieu de chercher à bloquer l'adversaire, cette partie promet d'être passionnante. De leur côté, les Croates semblent plutôt éreintés après été obligés de jouer les prolongations pour remporter leurs deux derniers matches et, même s'ils ont d'excellents techniciens avec Subašić, Mandžukić, Modrić ou Rakitić, les Anglais plus frais vont certainement vendre chèrement leur peau...

Bilan #3
(15/7/2018)


Autant pour moi : resté sur mes impressions de l'Euro 2016, où Didier Deschamps avait pris la décision à mon sens inintelligente d'écarter Benzema et Ribéry de la sélection française, je n'ai pas vu venir l'excellent cru 2018, qui avec Kylian Mbappé, Benjamin Pavard et Lucas Hernandez joue définitivement la carte de la jeunesse avec sa joie de jouer au plus haut niveau. Champion du monde comme capitaine des Bleus en 1998 et comme entraîneur en 2018, Didier Deschamps entre donc dans la sphère des intouchables... 

photo > L'Équipe

Il faut dire que c'était l'une des meilleures finales de Coupe du Monde qu'il m'ait été donné de voir : deux excellentes équipes au jeu offensif, des prises de risque de part et d'autre, peu de fautes personnelles, beaucoup de suspense et tout de même six buts. En première mi-temps, les Croates, qui n'avaient rien à envier aux Bleus, ont joué de malchance : Antoine Griezmann a de toute évidence fait un plongeon et son coup franc usurpé heurte la tête de Mario Mandžukić, qui marque contre son camp (18e minute) ; mais les Croates reviennent très vite dans la partie avec un splendide but d'Ivan Perišić (28e) ; puis un penalty extrêmement généreux accordé par l'arbitre argentin Nestor Pitana est transformé par "Grizou" (38e) : les Bleus mènent 2:1 à la mi-temps. - En seconde période, les Croates emmenés par l'infatigable Luka Modrić cherchent par tous les moyens à égaliser, mais coup sur coup Paul Pogba (59e), puis Kylian Mbappé (65e) mettent fin à leurs espoirs légitimes, et la réduction du score par Mandžukić sur une maladresse de l'excellent gardien Hugo Lloris (69e) n'y changera rien : une deuxième étoile ornera désormais le maillot de l'équipe de France !

Les larmes de joie de Griezmann (capture d'écran)

Tout le monde s'accorde à dire que la tenue du Mondial 2018 en Russie a été une réussite. Sur le plan sportif, cela ne fait aucun doute : les spectateurs ont pu voir des matches de haut niveau tout au long de la compétition ; beaucoup de surprises avec l'élimination des grosses pointures et la combativité des outsiders ; des révélations également, comme cette équipe des Diables Rouges de Belgique qui a remporté la petite finale 2 à 0 contre les Three Lions d'Angleterre, tout aussi méritants, ou encore les solides équipes du Danemark et de la Suède, sans oublier les étonnants Croates qui ont disputé la première finale de leur histoire. Révélations ou confirmations de talents aussi, comme l'incroyable Eden Hazard, le magnifique Luka Modrić et le génial Kylian Mbappé.

Modrić et Mbappé (capture d'écran)

Selon l'avis général, l'accueil des fans et des visiteurs a également été formidable : il semblerait que la Russie et ses habitants se soient montrés sous leur meilleur jour, que toutes les conditions pour faire la fête aient été réunies et que les autorités aient fait preuve d'une tolérance inhabituelle. - On peut se demander si cette rencontre festive entre les populations venues du monde entier et la belle "âme russe" profite au régime de Vladimir Poutine, dont la passion pour la démocratie et la libre expression reste tout de même assez modérée. Je suis tenté de répondre oui et non : oui sur le plan international, car l'image de la Russie s'est embellie, l'hospitalité et la générosité de ses habitants ayant enfin éclaté au grand jour - et non sur le plan intérieur, car les populations - et notamment la jeunesse - risquent de perdre le goût pour les mesures répressives.

Instantané des officiels avant la remise du trophée...  (capture d'écran) 

... et l'arrivée de la pluie ! (photo © Tarso Sarraf)

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