France
2007
Vers
18 h, dimanche dernier, 10 juin 2007, la radio (RTL, France
Inter) annonçait plus de 50% d’abstentions au premier tour des
Législatives. Puis, vers 21 h, la télévision (France 2) faisait
retomber ce chiffre à 39%. Il faut croire qu’il y a 11% de
« vote-tard » en France. Peut-être certains d’entre
eux, qui ne seraient pas allés voter du tout, se sont-ils précipités
dans les isoloirs sur la seule foi de cette annonce inquiétante à
l’heure de l’apéro. Mais les quelque 60% de votants annoncés le
lundi 11 juin au matin sont tout de même peu nombreux, comparés au
83% qui se sont déplacés le 22 avril. Et qui, en majorité (à
55%), avaient voté pour François Bayrou, Ségolène Royal ou un(e)
candidat(e) d’extrême-gauche. C’est-à-dire contre Nicolas
Sarkozy, qui a pourtant recueilli 53% des suffrages le 6 mai 2007
(voir ci-dessus). Or, ce dimanche 10 juin 2007, quelque 23% des
électeurs qui ont répondu présent aux Présidentielles ne se sont
pas dérangés. Ces « vote-une-fois-sur-deux », dont les
« instituts d’opinion » auront très vite dressé le
portrait robot, auraient-ils pu contrer ou tempérer cette « vague »,
ce « raz-de-marée », ce « tsunami »
sarkoziste annoncés à coups de marteau par les médias puis
accomplis par la partie « docile » de l’électorat
qu’il faut actuellement estimer à 60% ? Les 23% d’électeurs
« indociles » sont-ils quant à eux apparentés à la foule
d’« indécis » dont il a été beaucoup question au
cours de la campagne présidentielle ? En tout cas, on constate
un phénomène de déstabilisation, ou de désorientation, associés
à une évidente lassitude au sein de l’électorat français.
Déstabilisation avec ce « gouvernement d’ouverture »
mis en place par le président Sarkozy. Désorientation avec le
brouillage de la ligne de démarcation traditionnelle entre la droite
et la gauche. Lassitude avec ces élections à répétition, cet
« électhon » français, cette parade incessante de
polémiqueurs et de commentateurs, mais surtout ces résultats
annoncés, martelés à coups de sondages et, dans le cas des
Législatives, le verrouillage de l’expression démocratique par un
mode de scrutin aussi dépassé que le découpage des
circonscriptions, qui élimine notamment ce que l’on appelle les
« extrêmes », comme par exemple le Front National dont
la très grande majorité a « voté utile » en
plébiscitant Nicolas Sarkozy. Mais les 18% d’électeurs
« centristes » qui ont voté François Bayrou devraient
également être en proie à une certaine forme d’écœurement,
quand ils constatent l’utilisation sarkozienne de leur idée
maîtresse avec la soi-disant « ouverture », qu’il faut
surtout considérer comme un « coup » opportuniste, et le
score ou encore le nombre de députés que les Législatives
réservent à François Bayrou, après le fameux « ralliement »
au « camp adverse » de certains de ses « alliés »
de naguère. Sans parler de la gauche anti-libérale, quasi obligée
de soutenir une alliance entre le PS et le PC, réclamée par le mode
de scrutin et le découpage des circonscriptions basé sur le
recensement de 1982. Toutefois, si la vie peut changer en 25 ans (à
l’image des données démographiques ou sociologiques), certaines
choses semblent avoir une propension à passer du pareil au même
avec une ponctualité et une constance proprement effrayantes. Ce qui
peut finir par lasser au moins 23% des électeurs français que l’on
ne peut plus raisonnablement situer dans un camp ou un autre, aux
extrêmes ou au centre, mais qui sans doute préfèrent l’école
buissonnière, les dimanches à la campagne ou les promenades en
ville à une participation « citoyenne » qu’ils n’ont
peut-être pas tort de considérer, dans l’état actuel des choses,
comme une mascarade traversée d’un ennui mortel. Ce qui est le cas
de le dire.
Nombre
|
%
Inscrits
|
|
Inscrits
|
43
896 043
|
100,00
|
Abstentions
|
17
374 219
|
39,58
|
Votants
|
26
521 824
|
60,42
|
Nombre
|
%
Votants
|
|
Blancs
ou Nuls
|
495
358
|
1,87
|
Exprimés
|
26
026 466
|
98,13
|
Voix
|
%
Exprimés
|
|
Extrême
gauche
|
888
234
|
3,41
|
Communiste
|
1
115 663
|
4,29
|
Socialiste
|
6
436 521
|
24,73
|
Radical
de gauche
|
343
565
|
1,32
|
Divers
gauche
|
513
407
|
1,97
|
Les
Verts
|
845
977
|
3,25
|
Écologiste
|
208
477
|
0,80
|
Régionaliste
|
133
473
|
0,51
|
Chasse
Pêche Nature Traditions
|
213
427
|
0,82
|
Divers
|
267
755
|
1,03
|
UDF-
Mouvement Démocrate
|
1
981 107
|
7,61
|
Majorité
présidentielle
|
616
440
|
2,37
|
Union
pour un Mouvement Populaire
|
10
289 732
|
39,54
|
Mouvement
pour la France
|
312
581
|
1,20
|
Divers
droite
|
641
842
|
2,47
|
Front
national
|
1
116 136
|
4,29
|
Extrême
droite
|
102
124
|
0,39
|
source : ministère de l’Intérieur
Commentaire
succinct
Si
l’on s’amuse à additionner les voix des différentes gauches,
des écologistes et du "MoDem", on atteint tout de même
47,63% des voix exprimées, ce qui semblerait alors correspondre à
la force réelle de l’opposition politique actuelle en France. Le
problème, soulevé plus haut, reste celui des 23% d’électeurs
qui, contrairement au scrutin présidentiel, ne se sont pas déplacés
pour les Législatives. Si l’on considère que, lors du premier
tour des Présidentielles, cette "opposition" totalisait
55% des voix exprimées (voir ci-dessus), on peut commencer à se
poser des questions. Toujours est-il que l’histoire du
"raz-de-marée sarkoziste" ou de la "vague bleue"
paraît quelque peu "abracabradantesque", pour reprendre le
mot du désormais ancien président de la République. Et comme le
désormais actuel président de la République dispose lui aussi de
ces chiffres et que l’on peut lui concéder la même capacité
d’analyse, son "gouvernement d’ouverture" n’est
absolument pas du luxe. Ce qui, une fois encore, est le cas de le
dire.
Inscrits
|
35 223 520
|
Votants
|
21 132 355
|
Abstentions
|
40%
|
Blancs
ou nuls
|
3,43%
|
Exprimés
|
20 406 733
|
Suffrages
exprimés |
Nombre
de
député(e)s |
|
UMP
(& apparentés)
|
47,79%
|
323
|
PSLE
|
1,77%
|
20
|
Extrême
droite
|
0,08%
|
0
|
TOTAL
DROITE
|
49,64%
|
343
|
PS
(& apparentés)
|
46,06%
|
205
|
PC
(& apparentés)
|
2,74%
|
18
|
Verts
|
0,45%
|
4
|
TOTAL
GAUCHE
|
49,25%
|
227
|
MoDem
|
0,57%
|
4
|
Divers
|
0,55%
|
3
|
Source :
Le Monde, daté du mardi 19 juin 2007
Commentaire
succinct
On
peut être surpris par le fait, encore peu commenté, que la droite
et la gauche fassent pratiquement jeu égal en termes de suffrages
exprimés (49,64% vs. 49,25%) et qu’aucune de ces deux coalitions
n’obtienne la majorité absolue dans ce registre. De plus, si un
tel mode de scrutin faisait autorité pour constituer le nouveau
parlement français, tout dépendrait des scores (plutôt dérisoires)
du Modem et de l’attitude des «Divers » pour
réunir une majorité au parlement, qui serait alors très précaire
si l’on y ajoute les changements de camp toujours possibles et,
d’une certaine manière, « mis à la mode » par le
nouveau président français qui, dans un tel cas de figure, aurait
tout le mal du monde à gouverner comme il l’entend, ou comme il
l’a laissé entendre au cours des campagnes présidentielle, puis
législative avec son « gouvernement d’ouverture »
(« Fillon 1 »), dont la formation ne l’a pas empêché
d’essuyer un premier revers avec l’accueil hostile fait à son
projet d’une « TVA sociale ».
Toutefois,
le mode d’élection (et de sélection) des députés étant ce
qu’il est en France, les choses ne se passeront pas ainsi, puisque
la majorité présidentielle peut compter dès à présent sur 343
député(e)s (contre 227 parlementaires d’opposition) pour mettre
en pratique son projet gouvernemental, quel que celui-ci puisse
d’ailleurs être, car la détermination ne semble pas, pour
l’instant, le point fort du nouveau pouvoir, comme le montre son
recul en ce qui concerne la TVA sociale, recul qui ne pourrait
d’ailleurs être que provisoire. Cependant, la « vague
bleue » n’a pas déferlé à la hauteur escomptée par les
sondeurs et commentateurs « amis du pouvoir » pour
reprendre l’expression de Mme Royal. D’ailleurs, il est fort
possible que l’électorat français ait voulu « marquer le
coup » face à ce rabâchage incessant et démontrer aux
« faiseurs d’opinion » médiatiques qu’il
n’accepterait pas que ces derniers se permettent de voter à sa
place ou d’anticiper d’une manière peu démocratique et sans
gêne le « verdict des urnes ».
- FIN -
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