Y a-t-il un écrivain, de la trempe du
Thomas Mann de la Montagne Magique, pour décrire ce qui se
passe dans les entrailles de Davos, du pouvoir économique mondial ?
- « En bas », comme il est souvent dit dans le
roman, c'est, ce sera la guerre. - « En haut »,
dans le sanatorium – ou est-ce un satanarium ? - on
vit à l'écart du monde, on en devise et on le domine !
Y a-t-il un cinéaste de l'envergure du
Robert Altman de Gosford Park, ou des Frères Coen de The
Hudsucker Proxy, pour présenter les rouages du vrai pouvoir afin
que les gens se rendent compte une bonne fois ? Au lieu de croire les
sornettes qu'on leur raconte en omettant soigneusement que les riches
de plus en plus riches dominent les pauvres de plus en plus pauvres :
ceux qui font tourner la roue et la boutique, qui courbent l'échine
et payent la dime, tous ceux qui n'ont pas le choix, 3,6 milliards
d'êtres humains et bien davantage, dans le quart-monde ici en Europe
ou là-bas, aux USA et en Russie.
Pour que cessent enfin le mensonge et
les boniments, la désinformation et les idéologies.
Le
Monde écrit (ce 20 janvier 2016) :
C’est une
fondation à but non lucratif qui est à l’origine du Forum
économique mondial, dont elle porte le nom (« World Economic Forum
» en anglais, WEF). Fondée en 1971 par un économiste allemand,
Klaus M. Schwab – qui préside encore l’organisation –, elle
est financée par le millier de grandes entreprises qui en sont
membres. On trouve parmi elles, pêle-mêle, ArcelorMittal, Google,
Facebook, les français Total, Publicis, Sanofi, Engie, Veolia.
[…]
Le but du
Forum, depuis sa première édition en 1971, a longtemps été de
promouvoir un modèle de management européen – il s’appelait
d’ailleurs « European Management Forum » jusqu’en 1987, date à
laquelle il est devenu le « Forum économique mondial ».
[…]
Le Forum de
Davos a mauvaise réputation. Il est perçu comme la réunion des
puissants et riches capitalistes – ce qu’il est en grande partie
– réunis pour la défense d’un modèle qui les avantage. « Tous
les acteurs de la compétition des temps modernes s’y retrouvent
pour professer une même foi en un libéralisme de bon aloi : une
louche de commerce international débridé et quelques cuillères à
soupe de règles du jeu et d’éthique », écrivait Bernard
Esambert, ingénieur et financier français, dans Une
vie d’influence (Flammarion).
Dans un autre
article
du même jour, le quotidien précise encore ceci :
Arrivant mardi
soir à Davos, pour participer au Forum économique mondial annuel
qui s’ouvre mercredi 20 janvier, l’économiste Nouriel Roubini
nous a fait cette comparaison inquiétante :
«
On vient ici pour discuter des solutions à long terme, a-t-il
observé. Mais comme en 2008, on va être rattrapés par les
problèmes de court terme. Les gens se posent la même question :
sommes-nous au bord d’une récession mondiale ? »
Car où que
l’on regarde, depuis cette montagne suisse où se réunissent
jusqu’à la fin de la semaine près de 3000 représentants des
élites globalisées, l’horizon est très sombre. L’Europe, dont
la crise de l’euro a été tant débattue les années précédentes,
est aujourd’hui confrontée au double défi du terrorisme et d’une
crise migratoire sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
Mais les véritables causes de la «
crise migratoire », la
nécessité écologique d'une diminution, sinon d'un arrêt de la
croissance ne sont pas sur la table. Ils seront peut-être évoqués
sur le ton des discussions philosophiques avec le Settembrini de la
Montagne Magique dans
un private room autour
d'un bon cigare et d'un whisky hors d'âge en compagnie de Bono ou de
Leonard DiCaprio. Mais Davos continue de se distinguer par son
inefficacité à générer un quelconque bénéfice pour l'humanité.
Alors,
on se demande si l'inefficacité n'est pas le but inavoué de Davos.
- Inefficacité d'abord en raison de l'abîme séparant les riches,
qui se réunissent là-haut en comité trié sur le volet, du reste
de l'humanité qui trime en bas et qui s'entretue le reste du temps.
En haut les marchands d'armes, en bas la chair à canon. -
Inefficacité calculée ensuite, car le résultat effectif est le
maintien du status quo, le maintien au pouvoir de l'oligarchie
planétaire et de ses règles touchant à l'inégalité des termes de
l'échange, à la spéculation sur les denrées alimentaires, les
médicaments, les logements, bref sur les besoins premiers de
l'humanité, superposant une économie virtuelle et spéculative à
une économie réelle, rattachée aux besoins physiques, inaliénables
de l'Homme.
Dans une tribune de Klaus Schwab, intitulée « Abandonnons les excès du capitalisme pour plus d'engagement social » (Le Monde, 14 novembre 2011), le fondateur du WEF préconise une réforme du capitalisme, entre autres pour cette raison :
Dans une tribune de Klaus Schwab, intitulée « Abandonnons les excès du capitalisme pour plus d'engagement social » (Le Monde, 14 novembre 2011), le fondateur du WEF préconise une réforme du capitalisme, entre autres pour cette raison :
Le capitalisme s'est déséquilibré. La mise
en œuvre spéculative de capital virtuel en comparaison à une
utilisation du capital dans l'économie réelle a pulvérisé les limites de
la raison et échappe à tout contrôle. Pour équilibrer les risques, il faut des opérations financières et pas des transactions qui spéculent avec la spéculation elle-même.
Cela pourrait confirmer une intuition que j'ai depuis longtemps. Il y aurait bien deux monnaies - le mot argent supportant difficilement le pluriel ! - foncièrement différentes (comme il y a les devises, ou « monnaies fortes », et ce que l'on appelle les « monnaies de singe ») : l'argent « réel » que l'on gagne en travaillant et que l'on dépense en priorité pour satisfaire ses propres besoins vitaux et ceux des siens (nourriture, logement, santé, épargne personnelle pour les « mauvais jours »), et l'autre argent, que par contraste on peut appeler « virtuel » qui, comme le dit Schwab, spécule - j'ajouterais : entre autres - avec (sur) la spéculation elle-même . Or, une opération simple consisterait en ceci : la parité entre les deux monnaies ne serait donnée que si l'on veut convertir de l'argent réel en argent virtuel, et non dans le sens contraire. Pour reconvertir les gains de la spéculation en argent réel, il faudrait payer un pourcentage suffisamment élevé pour d'une part dissuader la spéculation pure et d'autre part permettre un investissement conséquent dans le volet social de l'économie réelle.
Pour revenir un instant à Davos : Les étudiants en philosophie connaissent la Disputation de Davos entre Martin Heidegger et Ernst Cassirer (1929) dans le cadre des Cours Universitaires données dans cette station suisse entre 1928 et 1931. Cette année-là, il y avait des auditeurs aussi éminents que Rudolf Carnap, Jean Cavaillès, Norbert Elias, Emmanuel Lévinas, Karl Mannheim, Léo Strauss, Léon Brunschvicg. La disputation avait été décrite comme un « conflit paradigmatique de la philosophie européenne ». À côté du débat technique sur l'interprétation de la philosophie kantienne, les points de divergence furent entre autres la conception de la liberté, le concept de l'Homme et la définition de la philosophie. Là-haut sur la montagne. Tandis qu'en bas, la crise la plus virulente du capitalisme moderne allait éclater quelques mois plus tard pour précipiter des millions et des millions de personnes dans la misère. Nous connaissons la suite sanglante de l'histoire...
> Les conférences de DAVOS 2016 sur YouTube <
> Et le Livestream <
Peut-être le choix de localiser le forum à Davos a-t-il été arrêté justement en écho à la dispute philosophique de 29 a la veille de la crise?
RépondreSupprimerInefficacité du forum: en effet l'ultra libéralisme ne veut pas de règle ni contrainte.
Récession mondiale: la croissance chinoise n'est *plus que* de 7%... sauf que jamais dans notre histoire nous n'avons eu un tel taux de croissance. Ce qui s'est passé ces 20 dernières années en Chine ne peut pas se poursuivre à l'infini. Du reste quasiment toute l'industrie grand public mondiale a été pompée par les émergents, le marais est à sec.