Les
"primaires de la droite"
(commencé le lundi, 15 janvier 2007)
(commencé le lundi, 15 janvier 2007)
Voilà
donc Nicolas Sarkozy "intronisé", - si l’on peut dire,
en parlant de M. Sárközy de Nagy-Bócsay, - comme candidat officiel
de l’UMP à la présidence de la République Française. Après le
scénario à trois de l’investiture socialiste, les électeurs ont
eu droit, ce dimanche 14 janvier 2007, à un panneau "Ensemble
tout devient possible" derrière lequel, pendant une heure et
demie, un homme seul donne de la voix pour rassembler personnalités
et militants (plus ou moins) conquis d’avance. Remerciements
liminaires à Alain Juppé, Edouard Balladur et Jacques Chirac.
Adresses personnelles tout au long du discours, par exemple à
"Jean-Pierre" (Raffarin), "François" (Fillon),
"Michèle" (Alliot-Marie), "Philippe"
(Douste-Blazy) ou "Renaud" (Donnedieu de Vabres). Main
tendue, également, à tous les Français, et surtout à ceux qui
travaillent, qu’ils soient de droite ou de gauche. Place à
l’émotion ensuite dans ce discours fleuve, qui passe en revue "nos
origines" avec l’histoire de la République Française et la
Résistance, la laïcité et deux mille ans de chrétienté. Qui
présente le projet d’une "République réelle" avec une
"école de l’autorité", sans "casquette" ni
"voile", où les élèves "se lèvent" lorsque le
"maître" entre dans la classe, où les bénéficiaires des
minima sociaux fournissent un minimum de travail d’intérêt
général, où "les gens ne meurent pas sur les trottoirs"
grâce au "droit opposable sur le logement", où la
"propriété devient un rêve accessible à tous", où les
jeunes gens accomplissent un "service civique obligatoire de six
mois", où l’on ne refuse pas "plus de deux offres
d’emploi successives", car "le travail c’est la
liberté", où les fonctionnaires sont moins nombreux mais mieux
payés, dessinant ainsi le modèle d’une "démocratie
irréprochable" qui fonctionne comme un véritable climax
rhétorique. - Introduisant ensuite toutes ses phrases par "je
veux être le président d’une France qui", Nicolas Sarkozy
aborde plus succinctement les questions européennes et mondiales,
affirme son oui à une Europe sans Turquie, sans "régularisation
massive des immigrés" parce que "les autres c’est devenu
chez nous". Et de rappeler son mot d’ordre d’une
"immigration choisie", d’exposer ses ambitions
méditerranéennes, africaines, atlantiques, d’embrayer très
brièvement sur les questions du "réchauffement climatique",
du "développement durable". De conclure enfin, du "fond
du coeur" et dans une salve (mesurée) d’applaudissements, sur
un "vive la République, vive la France, vive notre Patrie"
pour rejoindre un choeur de garçons chantant l’hymne national,
avant d’accueillir sur la scène ornée de deux larges étendards
bleu blanc rouge les personnalités de l’UMP qui, submergés par
l’émotion, se mettent également à chantonner. Rideau sur les
"primaires de la droite".
Il y aurait beaucoup à dire sur ce discours d’investiture. Certains s’offusqueront sans doute d’un "travail c’est la liberté" qui rappelle le tristement célèbre "Arbeit macht frei" inscrit au-dessus des portails d’entrée des camps de concentration nazis comme message de bienvenue aux millions de personnes voués au travail de la mort. Le conseiller en communication et les "nègres" de M. Sárközy de Nagy-Bócsay sont-ils à ce point incultes pour laisser leur patron faire de telles phrases, quand il paraît lui-même ne pas savoir ce qu’il remue là. Un autre point est l’antinomie oratoire qu’il fait entre une République "virtuelle", que nous subirions actuellement, et une République "réelle", dont nous bénéficierions après son élection. A-t-il oublié qu’il est l’actuel ministre de l’Intérieur de la "République virtuelle" qu’il fustige ? Et n’a-t-il donc pas conscience de la signification et de l’emploi du mot "réel" dans ce contexte politique qui est le sien ? Désignant à l’origine la chose du roi, et non une chose publique, cet adjectif est en effet utilisé avec prédilection par les royalistes et l’extrême droite à l’image du fameux "pays réel" qui figure dans tous les messages d’accueil de Radio Courtoisie. On commence vraiment à se demander s’il n’y a pas un job à prendre dans le comité de rédaction de M. nagybócsay Sárközy.
D’autres diront que c’est là une communication réussie. C’est vrai qu’il faut le faire. Haranguer, en évoquant "la gauche de Jaurès ou de Blum", les "travailleurs", les petits, les braves, qui auraient été trahis par leur camp, en leur faisant miroiter la "propriété", érigée ici en principe suprême, dont la vocation première est de servir les intérêts d’un patronat qui, sous la bannière de l’idéologie néo-libérale, exploite sauvagement le travail humain et les ressources naturelles de la planète. C’est vrai qu’il faut le faire. - L’éditorial du Monde daté du mardi 16 janvier 2007 intitulé "Un nouveau Sarkozy" souligne que le candidat officiel de l’UMP n’a pas prononcé une seule fois le nom de sa concurrente directe ni d’ailleurs le mot de "rupture" qui lui était si cher ces derniers temps. Étrange éditorial qui se conclut ainsi: Le candidat de l’UMP ne s’est pas contenté de faire référence à la "grande voix" de Jaurès. Il a parlé de la "valeur travail" et des travailleurs comme jamais M. Chirac ne l’avait fait, même en 1995, au temps de la "fracture sociale". Or ce thème est aussi celui de Ségolène Royal, qui veut rompre avec l’assistanat et réhabiliter la valeur travail. Cela peut être un vrai débat pour une élection présidentielle. Le rédacteur, anonyme, aurait-il des vues sur le job décrit plus haut ?
Le Figaro du lundi 15 janvier 2007 fait une place au côté people de la célébration: les Doc Gynéco, Orlando, Pascal Sevran, Steevy, José Arthur, Christian Clavier ne sortent pas du carré VIP, que les télévisions ne sont d’ailleurs pas autorisées à filmer. Bien renseigné sur les coulisses, l’article de Bruno Jeudy (un ancien du Parisien Libéré) fait également état des "tensions" à l’intérieur du parti que ne reflètent pas les "98,1% des suffrages des 229 303 votants (avec une participation de 69,06 % des inscrits)" en faveur de M. nagybócsay Sárközy: Villepin, toujours souriant, boit un café. Les deux hommes se disent quelques mots. Puis se quittent. Villepin est resté trente-sept minutes. Une visite incognito et finalement sans incident. Les chiraquiens Henri Cuq et Jean-Louis Debré ne s’attardent pas. « Toute la famille est réunie, c’est bien », sourit le président de l’Assemblée nationale. Autour de qui, lui demande-t-on ? « De la famille ! », réplique-t-il. « Tout s’est bien passé selon le scénario prévu », se félicite François Baroin, benjamin chiraquien du gouvernement et probable futur ministre de l’Intérieur quand Sarkozy quittera Beauvau. L’article du Figaro semble paradoxalement plus critique ou en tout cas plus ironique que l’éditorial du Monde, comme si l’on s’y réjouissait un peu moins de l’intronisation de M. Sarkozy. Mais, depuis que le Figaro recrute au Nouvel Observateur, que le Front National engage des écrivains "marxistes", il ne faut plus s’étonner de rien. Ni d’un "front populaire" à la Sarkozy ni d’une "mise au pas" à la Royal.